PERFORMANCES ÉNERGÉTIQUES EN MILIEU PROFESSIONNEL (ATELIER)


AXE BÂTIMENTS ET MODE D’HABITER

Étude sociologique de l’acceptabilité de la flexibilité de la consommation électrique au sein de bâtiments de bureaux.

Anne-Cécile BAUD (VEOLIA / VERI)
Stéphane COUTURIER (VEOLIA / VERI)

Le concept des « réseaux intelligents » ou « smart grids » s’est développé dans un contexte où il faut faire face à la hausse constante de la demande en électricité, à des risques de pics élevés de consommation et aux impératifs de la transition énergétique (ex : diminution de l’emploi des combustibles fossiles, développement de l’intégration des énergies renouvelables intermittentes) qui complexifient la gestion de l’équilibre entre l’offre et la demande à l’échelle du réseau électrique.
En s’appuyant sur les technologies de l’information et des communications (TIC), les « smart grids » sont fondés sur l’idée d’un pilotage du réseau en temps réel (échanges de données bidirectionnelles entre consommateurs et producteurs) s’appuyant davantage sur la demande d’énergie (« flexibilité de la consommation électrique ») et sur des moyens de stockage pour réguler les besoins en électricité et non plus quasi exclusivement sur les capacités de production.
En réponse à un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) de l’ADEME , un consortium composé d’entreprises (Veolia, Alstom, Sagemcom), d’un établissement public à caractère industriel et commercial (CEA INES) et d’une école (Supelec) œuvrant dans le domaine de l’énergie, de l’environnement et des TIC s’est constitué, afin de développer et d’expérimenter un démonstrateur « smart grids » en région PACA (projet Réflexe pour REponse de FLEXibilité Electrique ).
Dans le cadre de ce démonstrateur de recherche, VERI (Veolia Recherche et Innovation) a testé la faisabilité technique et sociale de la mise en œuvre de la « flexibilité de la consommation électrique » liée à la production de chaud et de froid au sein de bâtiments de bureaux, remettant en cause de façon ponctuelle le niveau de confort thermique des occupants.
La question posée au sociologue était de déterminer ce qui était acceptable ou non en termes de mesures de « flexibilité de la consommation électrique » par les salariés. Il était donc essentiel de pouvoir confronter les occupants des bâtiments à ce type de procédé afin, d’une part, d’évaluer ses effets sur leur perception et leur satisfaction à l’égard du confort thermique et, d’autre part, afin de servir de cadre d’expérience pour recueillir les opinions des individus vis-à-vis de ce concept en construction. Le concept de « flexibilité de la consommation électrique » n’ayant pour le moment qu’une portée théorique et ne prenant sens que rattaché à un système (mécanismes de régulation du réseau électrique) et à des enjeux spécifiques (lutte contre le réchauffement climatique…), il s’agissait d’expliquer et de contextualiser ce procédé innovant vis-à-vis d’un groupe de salariés afin de pouvoir saisir et comprendre les ressorts et les critères de son appropriation.
Ce sont les résultats de cette étude construite à partir d’hypothèses à la fois techniques et sociologiques que nous vous proposons de restituer ici.

MOTS CLÉS : expérimentation, flexibilité électrique, smart grids, acceptabilité, perception du confort.


Efficacité énergétique des entreprises : quelles perceptions des salariés ?

Amélie COULBAUT-LAZZARINI (Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines)
Thibault DANTEUR (Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines)

Avec les objectifs européens et nationaux attenant à la transition énergétique, les entreprises mettent en place des politiques internes et externes visant à réduire leur empreinte énergétique (Laperche & Lefebvre, 2012). En somme, qu’il s’agisse d’une politique motivée par une volonté de réduction des coûts en interne ou d’un affichage externe visant à renforcer l’image de responsabilité sociale de l’organisation (Pluchart, 2013), la réduction de la consommation énergétique est de plus en plus au centre des préoccupations des entreprises. Pour autant, sont-elles également au cœur des préoccupations de leurs salariés ?
Sur la base du travail de terrain mené, depuis plusieurs années, dans le cadre de deux projets de recherche collaboratives (Coulbaut-Lazzarini & Némoz, 2013), nous nous proposons de nous interroger sur la perception, par les acteurs sociaux qui les constituent, de ces efforts de réduction de la consommation et de soutien au développement d’énergies plus renouvelables. Ces deux projets, bien que distincts, associent des acteurs industriels communs, et visent pour l’un à réduire et rationaliser la consommation énergétique d’un bâtiment du secteur tertiaire, et pour l’autre à développer une solution de recharge intelligente permettant de soutenir et de développer la mobilité électrique des salariés.
Ces deux projets (EPIT 2.0 et ECO2CHARGE), financés par divers partenaires institutionnels locaux et nationaux, incorporent à la fois des objectifs internes (maîtrise et/ou réduction de consommation, soutien à des mobilités alternatives, etc.) mais aussi externes (affichage d’une préoccupation environnementale, responsabilité sociale de l’entreprise, commercialisation d’un système de recharge, etc.). Nos données accumulées auprès des acteurs impliqués dans le développement de ces projets comme de ceux qui en sont les usagers finaux (Gutman & Glazer, 2009; Morel-Brochet & Ortar, 2014), nous permettent de saisir avec précision les perceptions (Knox, 1987) qu’ils se font de ces efforts en tant que salariés des entreprises concernées, mais aussi en tant que citoyens ou simples usagers répondant à des contraintes comme à des motivations particulières (Maresca & Dujin, 2014). Or, il est intéressant de se demander dans quelle mesure leurs analyses de ces politiques se rejoignent ou au s’opposent selon qu’ils se positionnent depuis l’un ou l’autre de ces points de vue. Peut-on ainsi distinguer deux points de vue véritablement différents ? Cette pluralité permet-elle une perception plus objective ou à l’inverse l’empêche-t-elle ? Observe-t-on des dissensions, des tensions entre les discours citoyens et salariés ? Autant d’interrogations qu’il nous plaira d’évoquer lors de notre communication et que nous analyserons sur la base d’une approche empirico-déductive laissant le plus largement possible place aux données issues de nos terrains et des méthodologies que nous y avons appliqué, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives.

MOTS CLÉS : sociologie, énergie, bâtiment, mobilité, environnement professionnel.


Des déplacements contraints par l’activité professionnelle. Le cas des professionnels mobiles.

Reinhard GRESSEL (IFSTTAR – SPLOTT)

Les professionnels mobiles sont des actifs qui, pour exercer leur métier doivent se déplacer de façon autonome en dehors de leurs entreprises ou structures d’appartenance pour se rendre chez un « client » sur un site particulier où leur compétence et leur intervention est requise.
Les professionnels mobiles se distinguent d’une part des professionnels du transport dont le cœur de métier est la production de déplacement de personnes ou de biens et d’autre part de l’ensemble des actifs qui réalisent de simples trajets domicile – travail.
Les professionnels mobiles représentent environ un quart des actifs en France, une population qui a connu une croissance rapide même si elle semble stagner ces dernières années.
De statuts variables (indépendants, salariés, commerciaux, cadres, ingénieurs, techniciens, ouvriers) ils sont engagés dans une grande diversité de situations de travail qui vont des prestations de service, la vente, les soins à la personne, en passant par la maintenance, le dépannage, la réparation à l’installation et la réalisation de travaux.
Ils travaillent pour des services aux entreprises industrielles, commerciales et tertiaires, pour des services aux bailleurs et sociétés de gestion d’immeubles résidentiels, pour des services aux particuliers que ce soit dans l’habitat, ou que ce soit dans des services à la personne.
Sur la base de plusieurs enquêtes par entretiens et observations, cette communication vise à montrer que pour les professionnels mobiles l’activité de déplacement est certes une activité indispensable à l’exercice de leur métier, mais reste une activité secondaire par rapport à leur métier, souvent dévalorisée voire niée et qui, à ce titre est particulièrement difficile à atteindre par des appels à la sobriété énergétique.
En effet les professionnels mobiles rencontrent au cours de leurs déplacements de multiples aléas de la circulation (encombrements, difficultés de stationnements, etc.). Ces aléas peuvent considérablement perturber les conditions de leur activité professionnelle principale. Ils mettent alors en place diverses stratégies pour minimiser la portée de ces aléas dûs aux déplacements. Mais dans leur activité professionnelle principale ils rencontrent également des aléas consommatrices de temps. Ils ont alors tendance à en reporter la gestion sur l’activité secondaire non valorisée, le déplacement, ou se cumulent par conséquence un nombre considérable de contraintes.

MOTS CLÉS : Professionnel mobile, travail, déplacement professionnel, activité secondaire, aléas de la circulation.


Le rôle clé des occupants d’un bâtiment de travail économe en énergie.

Delphine LABBOUZ-HENRY (Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense ; Elithis Groupe)

À l’heure actuelle, les économies d’énergie dans les bâtiments sont l’un des principaux moyens d’atteindre une société plus durable. Les entreprises doivent limiter l’impact environnemental de leurs activités.
Les avancées technologiques sont indispensables mais pas suffisantes. Il faut également accompagner les changements de modes de vie et de pratiques, grâce à la meilleure compréhension de leurs déterminants psychosociaux et organisationnels.
Notre étude vise à déterminer les facteurs qui influencent les comportements de protection de l’environnement au travail, dans un bâtiment à faible consommation énergétique. Il s’agit de comprendre quelles sont les perceptions des occupants, leur vécu, leur ressenti, dans le but d’améliorer leur confort et qualité de vie, tout en diminuant les consommations énergétiques.
L’analyse de contenu thématique de 22 entretiens semi-directifs a permis d’élaborer un questionnaire, proposé à 116 salariés. Environ 150 questions abordent les thèmes suivants : qualité perçue de l’espace de travail (confort visuel, thermique, acoustique, etc.), appropriation et attachement au lieu, perception de l’énergie, sentiment de contrôle, normes sociales, attitudes environnementales, comportements éco-responsables au domicile et au travail, perception de l’entreprise et sentiment de justice organisationnelle.
Les résultats qualitatifs et quantitatifs seront présentés et discutés. En résumé, les interviewés expriment le sentiment que la technologie rend l’appropriation du bâtiment plus difficile et complexe. Ils ont l’impression d’avoir peu de marges de manœuvre et de maîtrise personnelle sur les consommations d’énergie, au vu de l’importance de l’automatisation. Le sentiment de contrôle joue un rôle primordial sur la satisfaction et le bien-être au travail.
Les usagers ont manifesté un besoin de cohérence, à tous les niveaux, entre :
- les sphères privée et professionnelle ;
- les comportements des salariés et des membres de la hiérarchie, dans tous les domaines du développement durable (et pas seulement l’énergie) ;
- les comportements attendus des usagers et leurs marges d’action réelles ;
- les objectifs d’économies énergie et le confort.
Par ailleurs, les résultats mettent en avant certaines dimensions explicatives des comportements pro-environnementaux au travail, comme par exemple la qualité perçue de l’espace de travail, le sentiment de contrôle et de justice organisationnelle, les normes sociales, les attitudes et les comportements pro-environnementaux réalisés au domicile.
Ces résultats soulignent le rôle complémentaire des prédispositions personnelles et du contexte organisationnel. Les interventions visant à maîtriser l’énergie dans les bâtiments tertiaires doivent donc mettre en place des programmes d’actions ciblant ces deux domaines.
Enfin, l’utilisation de nouvelles technologies implique la nécessité de fournir des informations sur le fonctionnement du bâtiment et un réel accompagnement à l’entrée dans les locaux.

MOTS CLÉS : bâtiment tertiaire, comportements favorables à l’environnement, économies d’énergie, audit psychosocial, accompagnement du changement.


Coriolis à l’usage : un bâtiment performant en question.

Hélène SUBRÉMON (Saint-Gobain Recherche)

« Dans un labo de math, c’est bien connu. Une tasse de café, un théorème. Pas de café, pas de théorème. Ne pas avoir de microondes, c’est contraignant et on n’a pas l’impression que ce soit là l’enjeu ! »
La construction de bâtiments neufs est aujourd’hui soumise à une réglementation stricte et particulièrement portée sur la qualité thermique du bâti (Debizet, 2012). Cette réglementation a contribué à produire une véritable course aux labels (HQE, BBC, BEPOS, …) censés attester de la qualité environnementale et énergétique du projet. Ces labels deviennent, dès lors, autant des modes de certification qu’une manière pour les professionnels de la filière de valoriser, de communiquer, de promouvoir un bâtiment en mettant en avant, d’abord, sa performance technique et dans certains cas, aussi, sa prouesse architecturale.
Cette multiplication de nouveaux standards et ce marché de la norme technique interroge évidemment les sciences sociales quant aux logiques qui priment pour s’assurer la meilleure conformité aux exigences techniques. Elles interrogent également de leur performativité au regard des usages de leurs occupants. De quelle performance parle-t-on : réelle ou estimée ? Quelle endurance peut-on prêter à un bâtiment labélisé pour sa conception, mais pas pour son exploitation ?
Le cadre d’analyse de la sociologie des usages largement mobilisé pour comprendre les modalités d’appropriation de l’espace (Raymond et Haumont, 1966) est central et se réactualise désormais sous l’effet des enjeux de la transition énergétique (Renauld, 2013, Flamand et Roudil, 2013). D’autres travaux (Zelem et Beslay, 2014, Brisepierre, 2013) mobilisent une lecture sociotechnique et organisationnelle des professionnels et interrogent l’injonction à la performance technique au regard des logiques d’usages.
Pour contribuer à ces réflexions, nous avons choisi comme terrain d’enquête, le bâtiment Coriolis : bâtiment livré en 2012, situé à la Cité Descartes de Champs-sur-Marne. Il accueille des laboratoires de l’Ecole des Ponts et Chaussées, une école de Design et des salles de cours. Conçu par l’Atelier Roche, il répond à la RT 2020 en tant que Bâtiment à Energie Positive. Le bâtiment prétend satisfaire les standards les plus élevés dans le secteur par la prouesse technologique et architecturale.
Face à cette impressionnante communication institutionnelle, nous proposons une autre lecture : celle de l’appropriation d’un bâtiment qui, par sa technicité et une certaine rigidité, implique un apprentissage tant de la part de ses occupants que des exploitants eux-mêmes !

MOTS CLÉS : bâtiment performant, usages, BEPOS, apprentissages.


L’usager, acteur clé du concours Cube 2020.

Nathalie TIMORES (Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche)

Les consommations réelles des sites tertiaires sont largement conditionnées par les pratiques et les comportements des usagers. C’est un ensemble complexe de représentations et d’usages. Les objectifs de performance énergétique sont élevés et toutes nos réflexions concernent directement nos modes de vie et nos pratiques professionnelles. Plusieurs leviers d’actions ont été déployés pour agir sur les pratiques et les comportements ; comme l’approche en coût global dans les pratiques d’achats et la mise en place d’outils de suivi des énergies et fluides
A l’issu de l’année de concours 2014 nous serons en mesure de transmettre nos baisses de consommations réelles et d’avoir un retour d’expérience pour poursuivre nos actions.
En participant à l’initiative Cube 2020, le ministère s’est inscrit dans un cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétique qui participe de l’exemplarité environnementale. Avec un portage fort des équipes de direction, chaque site inscrits au concours a développé des partenariats d’action, mis en œuvre des conférences-formations, communiqué avec chaque occupant et valorisé les résultats obtenus.
Les enjeux sont que chacun puisse trouver l’information qui lui est nécessaire pour agir sur ses consommations d’énergie, et que nos résultats positifs et très encourageants soient valoriser voir même déployés au sein de tous les services.

MOTS CLÉS : consommations, mesure, schémas organisationnels, usages.