ENQUÊTER SUR LES PRATIQUES ÉNERGÉTIQUES – APPROCHE(S) MÉTHODOLOGIQUE(S) (Atelier)


AXE MÉTHODOLOGIE, PROSPECTIVE, RÉFLEXIVITÉ

Confort thermique et habitat social réhabilité en milieu méditerranéen.

Cécile BATIER (Université Montpellier 2/LMGC ; ENSAM/LIFAM)
Franck CEVAËR (Université Montpellier 2/LMGC)
Jean-François DUBÉ (Université Montpellier 2/LMGC)
Vinicius RADUCANU (ENSAM/LIFAM)

Le plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) prévoit de rénover 500 000 logements par an d’ici 2017. Nombre de rénovations consistent à la seule pose d’une isolation thermique par l’extérieur afin de limiter la précarité énergétique en hiver. En milieu méditerranéen, se pose alors la question du confort d’été. En effet, la chaleur accumulée au cours de la journée peut être difficile à évacuer si l’occupant n’agit pas sur son environnement direct. Couplé avec des épisodes caniculaires cela peut devenir fatal pour les personnes fragiles.
L’objectif de notre étude est d’analyser l’évolution thermique d’appartements occupés et d’établir un modèle de comportement prédictif de l’occupant afin de quantifier l’impact des modifications architecturales et comportementales sur le confort thermique et les performances énergétiques des bâtiments. L’objet d’étude est un ensemble de deux résidences situées sur la commune de Vauvert (Gard). De caractéristiques constructives identiques et suite à des rénovations similaires (VMC, Chaudières, Fenêtres), l’une d’entre elles a depuis été isolée thermiquement par l’extérieur. L’analyse des conditions thermiques réelles, du comportement individuel de l’occupant et des consommations d’énergie est basée sur des enquêtes et une instrumentation in-situ dans les séjours de 13 appartements. Elle permet de modéliser plus finement les paramètres nécessaires pour les simulations de thermique dynamique. Ces dernières aident à la compréhension de l’impact d’une réhabilitation énergétique sur le confort et les consommations énergétiques des bâtiments en milieu méditerranéen.
En hiver, l’analyse des mesures confirme l’intérêt d’isoler les bâtiments par l’extérieur pour améliorer le confort tout en diminuant les consommations énergétiques. En été, cette tendance n’est pas confirmée. Le comportement de l’individu a ainsi un rôle primordial afin de se protéger de l’inconfort d’été. L’objectif est donc de proposer des modifications architecturales et/ou comportementales afin d’améliorer le confort tout en diminuer les consommations énergétiques dans l’habitat social méditerranéen à réhabiliter.

MOTS CLÉS : confort thermique, réhabilitation, performance énergétique, habitat social, comportement individuel.


L’expérimentation « Smart Electric Lyon » : la trajectoire d’expérimentation comme dynamique sociale d’appropriation et de diffusion.

Cécile CARON (EDF R&D – GRETS)

Dans le domaine de la gestion de la demande d’électricité, les études et projets pilotes dans le secteur résidentiel conduits à travers le monde sur la tarification dynamique, le pilotage des usages ou les dispositifs d’informations (Darby, 2006 ; Faruqui, 2010) empruntent très largement à la démarche expérimentale. Ils cherchent principalement à mesurer en situation réelle et contrôlée auprès d’un ensemble de ménages les effets, ainsi que leur maintien dans le temps, de ces dispositifs sur la courbe de charge. La robustesse des résultats obtenus est rapportée à la représentativité des panels et groupes témoins (Fisher, 2008). Néanmoins, depuis les enquêtes (1927-1939) menées à la Western Company, on mesure que l’engagement des participants est en partie modelé par les dispositifs de suivi et d’observation produits par le cadre expérimental (Roethlisberger & Dickson, 1939). Une tension structurelle traverse donc la conduite des expérimentations qui cherchent dans le même temps à neutraliser l’effet « hawthorne » et les formes de réflexivité induites par le mode expérimental pour évaluer l’efficacité des dispositifs proposés (Teil, Muniesa, 2006) et à s’appuyer sur les dispositifs stylistiques propres au mode expérimental qui incitent les participants à être parties prenantes des résultats (Lanham, 2006) afin d’accompagner les incitations au « changement de comportement ».
Nous nous proposons, au travers d’un travail d’enquête qualitatif réalisé auprès des foyers expérimentateurs dans le secteur résidentiel et des porteurs de projet d’une expérimentation menée sur le territoire du Grand Lyon, le projet « Smart Electric Lyon », de voir comment cette tension et les incertitudes qu’elle génère modèlent l’appropriation des différents dispositifs expérimentés.
Le projet Smart Electric Lyon réunit avec le soutien des pouvoirs publics un consortium de 20 acteurs, industriels de la filière électrique et universitaires, sur le territoire du grand Lyon, pour développer, expérimenter et évaluer des solutions tarifaires, d’information et de pilotage, compatibles avec le compteur d’électricité Linky, cherchant à la fois à favoriser la maîtrise de la consommation d’électricité et la flexibilité de la demande lors des pics hivernaux. Il apparaît que le dispositif expérimental constitue une véritable « trajectoire » qui lie les événements qui en émaillent le cours à toute l’organisation du travail déployée à le suivre (Strauss, 1985, trad. Fr. 1991). Ici, les étapes clefs du processus expérimental, (recrutement des foyers participants, installation du matériel d’effacement à domicile, signalisation des jours de pointe, réunion des participants, réception des factures et bilan de consommation) vont, via les dispositifs et professionnels ou les collectifs impliqués dans leur portage contribuer à forger le sens et les modalités d’appropriation des dispositifs expérimentés : mise en avant du tarif et des gains financiers au moment du recrutement, focalisation sur l’effacement après l’installation du matériel de pilotage, renforcement de la conception participative après les « soirée des pionniers ». Ces moments de focalisation interrogent, du point de vue des participants, la complémentarité des trois dispositifs (tarifaire, d’information, de pilotage), dont l’utilisation finit par se stabiliser dans des pratiques perdant la dynamique incitative originelle. Le mode expérimental met non seulement à l’épreuve l’innovation en devenir, mais il est aussi mis à l’épreuve par de multiples réappropriations.

MOTS CLÉS : mode expérimental, projet démonstrateur, smart grids, innovation, consommation d’énergie.


Méthodologies d’enquêtes en espace commercial : circulation des savoirs pour la construction de la maîtrise énergétique.

Céline DROZD (ENSA Nantes/CERMA)
Kévin MAHÉ (ENSA Nantes/CERMA)
Ignacio REQUENA-RUIZ (ENSA Nantes/CERMA)
Daniel SIRET (ENSA Nantes/CERMA)

Parce qu’ils sont davantage susceptibles de projeter ou de mener des travaux dans leur habitat, les clients des magasins de bricolage et négoces de matériaux constituent un panel intéressant pour cerner les questionnements sur la maîtrise de l’énergie dans l’habitat. De plus, le magasin de bricolage apparaît comme un lieu essentiel de circulation des savoirs et de construction de l’expertise habitante en lien avec les produits vendus par l’enseigne. Si les enquêtes ethnographiques dans les milieux commerciaux se focalisent habituellement sur les comportements des consommateurs ou sur les pratiques des acteurs internes au magasin, nous proposons ici deux méthodes innovantes dans l’objectif d’étudier la circulation de l’information autour de la maîtrise énergétique.
Dans une première recherche, nous avons cherché à comprendre de quelle manière les images d’analyses lumineuses élaborées en phase de conception d’une habitation et faisant appel à des connaissances techniques, étaient reçues par les habitants. Pour cela, nous avons mené une enquête auprès des clients d’une grande surface de bricolage et les avons interrogés à partir d’images d’analyses lumineuses d’une maison individuelle. Dans une seconde recherche , nous avons mené des enquêtes dans les rayons des produits ayant un impact sur la consommation énergétique du bâti dans différentes enseignes de grandes surfaces de bricolage et de négoces de matériaux en tant qu’observateurs passifs de situations de conseil. L’objectif était dans ce cas d’analyser les modalités d’échange entre habitants et conseillers pour comprendre sur quelles bases techniques et selon quelles modalités pratiques se déploient l’offre de conseil et l’accompagnement des particuliers dans la maîtrise énergétique de leur habitat.
Cette communication présentera les deux méthodes d’enquêtes mises en place dans l’espace commercial autour des questions de maîtrise énergétique de l’habitat en mettant l’accent sur la manière dont l’information circule entre le professionnel et l’habitant et comment elle est comprise, interprétée par celui-ci. L’enjeu se situe au niveau de la construction de l’expertise habitante afin d’améliorer la performance énergétique de l’habitat.

MOTS CLÉS : maîtrise de l’énergie, grande surface de bricolage, négoces de matériaux, fabrique de l’expertise, conseil énergétique.


Le diagnostic territorial. Un outil méthodologique pour territorialiser la responsabilité sociale dans l’industrie pétrolière mexicaine.

Armando GARCIA CHIANG (Universidad Autónoma Metropolitana/Unidad Iztapalapa)

Depuis Septembre 2012, la création d’un nouveau type de contrat appelé Contrat Intégral d’Exploration et de Production (CIEP) par « Petroleos Mexicanos (Pemex) a conduit à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole mexicain.
Ces nouveaux contrats établissent dans ses clauses que les nouveaux opérateurs doivent appliquer, au moins 1 % de son budget annuel, dans des actions de développement social. De la même manière, ils doivent créer des programmes de responsabilité sociale qui peuvent être appliqués durant la durée des contrats (25 à 35 ans). Ces plans doivent contenir des propositions concrètes qui contribuent au développement durable des territoires où opèrent les compagnies pétrolières.
Dans ce contexte une équipe de chercheurs de l’Université Autonome Métropolitaine, du pôle Iztapalapa (UAM1), a développé, sous forme de projets d’assistance technique, sept diagnostics territoriaux dans les secteurs pétroliers de « Santuario» et «Magallanes » dans l’état de Tabasco, « Pánuco », « San Andrés » et « Tierra Blanca » dans l’état de Veracruz, dans la zone maritime de Arenque située face aux côtes de Tamaulipas et dans la zone contractuelle Altamira qui se trouve dans l’état de Tamaulipas. Il est à noter que des professeurs de la UAM-I se sont investis dans ces projets. Ces professeurs ont été assistés par des personnes diplômées de différents instituts de recherche et des élèves appartenant à dix licences différentes de la UAM-I pour qui cette participation signifie une pratique professionnelle et d’apprentissage. L’expérience nous a permis de définir une méthodologie qui donne une analyse territoriale précise et propose une série d’éléments opérationnels qui peuvent être implantés ou transférés aux entreprises pétrolières. Chaque diagnostic territorial a donné lieu à la création de propositions de responsabilité sociale avec un impact territorial susceptible d’encourager le développement local en complément des politiques publiques fédérales, régionales et municipales existantes. Ainsi, il est important de souligner le fait que c’est la première fois au Mexique qu’a été développée l’idée d’une zone d’influence dans laquelle une aire maritime puisse exercer des actions de responsabilité sociale.
Cette méthodologie comprend la mise en place d’une ligne de base sociale et économique, le développement d’un système d’information géographique (SIG), la création d’un plan de responsabilité sociale et l’élaboration d’un ensemble de propositions concrètes pour des actions territorialisées de responsabilité sociale.
Ce document décrit la méthodologie mentionnée ci-dessus et tente de répondre à la question de la responsabilité sociale de l’entreprise ou d’entreprise comme source de financement pour le développement local.

MOTS CLÉS : industrie pétrolière, Mexique, responsabilité sociale, méthodologie, diagnostic territorial.


Réflexions sur la place de la sociologie de l’énergie dans le secteur du bâtiment.

Aurélie TRICOIRE (Université Paris-EST/ CSTB)
Benjamin HAAS(Université Paris-EST/ CSTB)

Dans le secteur du bâtiment, la réduction des consommations d’énergie constitue un objectif important de durabilité, auquel la France a répondu notamment par l’adoption d’une réglementation thermique de plus en plus exigeante. Pour s’assurer de la conformité des bâtiments à ces objectifs, leur consommation est modélisée dès la conception sur la base des cinq usages réglementaires de l’énergie (chauffage, auxiliaires, éclairage, refroidissement et eau chaude sanitaire). Or l’écart entre simulations et mesures réelles de consommation reste important. Une première explication à ce décalage est que le périmètre des calculs réglementaires exclut les usages liés à l’occupant (chauffage d’appoint, électroménager, etc.). Ces « autres usages » représentant un pourcentage croissant de la consommation des bâtiments (en raison de l’amélioration globale de la performance énergétique de ceux-ci), d’aucuns concluent que pour réduire l’écart entre consommations théorique et réelle et atteindre les objectifs fixés par la réglementation, il faut agir sur l’occupant en l’intégrant plus finement dans les simulations et en l’incitant à adopter un comportement vertueux.
En entrant dans le détail des pratiques professionnelles, une autre conclusion émerge. En effet, les résultats de simulation sont caractérisés par une incertitude non-négligeable qui provient d’approximations relatives avant tout aux performances annoncées des matériaux et équipements , plutôt qu’au degré de précision des scénarios d’occupation (directement associée à l’usager). Et si l’on considère les consommations réelles, il apparaît que la qualité de réalisation des travaux et la maîtrise des conditions d’exploitation des bâtiments peuvent être sensiblement améliorés, en travaillant par exemple sur le « talon » énergétique, c’est-à-dire la consommation d’un bâtiment vide de tout occupant.
Dans ce contexte, on constate que les questions posées aux sociologues par les acteurs du bâtiment se focalisent principalement sur la première approche c’est-à-dire sur l’usage, le plus souvent assimilé à l’occupant. Il s’agit de trouver des outils (sensibilisation, incitation économique, etc.) pour que l’occupant se comporte conformément aux objectifs de réduction des consommations. L’hypothèse est que ces changements comportementaux ont un impact sur la consommation. Or tous les projets visant ce seul objectif « comportemental » concluent à l’échec de telles démarches. En effet, les économies réalisées ponctuellement représentent à peine 5 à 10% du total. Évidemment, les actions de sensibilisation sont utiles, tout comme les recherches afférentes. Mais elles ne constituent pas une réponse efficace pour répondre à la demande sociétale de réduction des consommations d’énergie dans le bâtiment. Un gisement massif d’économie d’énergie semble ainsi plus sûrement exploitable du côté des professionnels et des techniques mises en œuvre, objets d’étude sur lesquels la sociologique a des contributions fortes et structurantes à faire valoir.

MOTS CLÉS : réflexivité sociologique, Occupant, Usages, Énergie, Bâtiment.


Transitions énergétiques et changement social. Vers une Intégration théorique.

Alfrédo AGUSTONI (Université “G. d’ Annunzio”, Chieti-Pescara, Italie)

Dans le secteur du bâtiment, la réduction des consommations d’énergie constitue un objectif important de durabilité, auquel la France a répondu notamment par l’adoption d’une réglementation thermique de plus en plus exigeante. Pour s’assurer de la conformité des bâtiments à ces objectifs, leur consommation est modélisée dès la conception sur la base des cinq usages réglementaires de l’énergie (chauffage, auxiliaires, éclairage, refroidissement et eau chaude sanitaire). Or l’écart entre simulations et mesures réelles de consommation reste important. Une première explication à ce décalage est que le périmètre des calculs réglementaires exclut les usages liés à l’occupant (chauffage d’appoint, électroménager, etc.). Ces « autres usages » représentant un pourcentage croissant de la consommation des bâtiments (en raison de l’amélioration globale de la performance énergétique de ceux-ci), d’aucuns concluent que pour réduire l’écart entre consommations théorique et réelle et atteindre les objectifs fixés par la réglementation, il faut agir sur l’occupant en l’intégrant plus finement dans les simulations et en l’incitant à adopter un comportement vertueux.
En entrant dans le détail des pratiques professionnelles, une autre conclusion émerge. En effet, les résultats de simulation sont caractérisés par une incertitude non-négligeable qui provient d’approximations relatives avant tout aux performances annoncées des matériaux et équipements , plutôt qu’au degré de précision des scénarios d’occupation (directement associée à l’usager). Et si l’on considère les consommations réelles, il apparaît que la qualité de réalisation des travaux et la maîtrise des conditions d’exploitation des bâtiments peuvent être sensiblement améliorés, en travaillant par exemple sur le « talon » énergétique, c’est-à-dire la consommation d’un bâtiment vide de tout occupant.
Dans ce contexte, on constate que les questions posées aux sociologues par les acteurs du bâtiment se focalisent principalement sur la première approche c’est-à-dire sur l’usage, le plus souvent assimilé à l’occupant. Il s’agit de trouver des outils (sensibilisation, incitation économique, etc.) pour que l’occupant se comporte conformément aux objectifs de réduction des consommations. L’hypothèse est que ces changements comportementaux ont un impact sur la consommation. Or tous les projets visant ce seul objectif « comportemental » concluent à l’échec de telles démarches. En effet, les économies réalisées ponctuellement représentent à peine 5 à 10% du total. Évidemment, les actions de sensibilisation sont utiles, tout comme les recherches afférentes. Mais elles ne constituent pas une réponse efficace pour répondre à la demande sociétale de réduction des consommations d’énergie dans le bâtiment. Un gisement massif d’économie d’énergie semble ainsi plus sûrement exploitable du côté des professionnels et des techniques mises en œuvre, objets d’étude sur lesquels la sociologique a des contributions fortes et structurantes à faire valoir.

MOTS CLÉS : Transitions énergétiques, changement culturel, sources humaines-non humaines, métabolisme social.


Biomimétisme des usages sociaux de l’énergie. Une comparaison internationale.

Christophe GOUPIL(Université Paris 7 Diderot/ LIED)
Rodrigo PATINO(Université Paris 7 Diderot/ LIED ; Departamento de Física Aplicada, Cinvestav – Unidad Mérida, Mexique )

La réduction des gaspillages énergétiques, et leurs effets sur l’environnement, nécessitent d’identifier les gisements de telles réductions, tant du point de vue des systèmes que du point de vue des pratiques. Dans cette perspective nous avons réalisé une analyse des principaux modes d’usage de l’énergie au travers de 20 pays répartis sur les cinq continents. Dans une première approche cette étude se base sur les données officielles disponibles auprès des principaux organismes internationaux que sont l’Agence International de l’Energie et l’Organisation des Nations Unies. Dans un second temps nous focalisons notre étude sur les usages de l’énergie dans un panel de villes mexicaines et françaises afin de réaliser une grille d’analyse basée sur des chiffres nationaux.
Les usages sociaux de l’énergie aux différents échelles (national, ville, foyer) sont alors considérés selon une approche biomimétique en comparant les deux principaux facteurs que sont la disponibilité de la ressource, d’une part, et les usages envisagées d’autre part, la diversité des pratiques résultant en grande partie des importances relatives ces deux facteurs. Plus précisément, ce modèle s’applique à considérer les caractéristiques des organismes (type d’alimentation, mobilité, sécurité, reproduction, etc.), ainsi que les caractéristiques des environnements (climat, ressources, hébergement, etc.). Dans leur dimension sociétale ces observations permettent de définir les contours de l’adaptation, mais surtout de l’adaptabilité des groupes sociaux concernés, en vue des générations futures.
Le caractère d’adaptabilité, par opposition à l’observation du caractère adapté, permet, en particulier, d’observer que les modifications induites par la transition énergétique dans les grands secteurs que sont les transports, l’urbanisation, l’industrialisation et l’alimentation, n’auront pas le même impact en terme de privation des droits individuels, selon le niveau de résilience de la société considérée. Le défi sous-jacent est donc très clairement d’identifier les moyens d’évoluer vers une efficacité énergétique accrue et partagée qui ne mène pas à la sobriété pour certains, et la précarité pour les autres.
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MOTS CLÉS : model biomimétique, ressources, adaptation, efficacité.


Une autre économie : vers une dialectique entre l’énergie et la société.

Thomas SEGUIN (Université Galatasaray d’Istanbul, Turquie)
Alexandru BALASESCU (Consultant énergétique/LEED)

La technologie, et ses changements, semble constituer la réponse générale apportée à la crise énergétique et au réchauffement climatique auxquels nous devons faire face aujourd’hui. Mais, plutôt que changer de technique, ne s’agirait-il pas de changer de culture ? La contribution de la sociologie est, nous semble-t-il de tenter de mêler les changements culturels aux changements techniques, d’un point de vue anthropologique et historique. Ne faudrait pas chercher à combiner les différentes formes d’énergie ? Pour ce faire, et sur la base des théories du changement socio-technologique, la présentation mettra au centre de son sujet, le concept de subjectivation en sciences sociales. Il s’agit d’une compréhension théorique des changements culturels et de leur relation avec les transformations dans les pratiques de production, de transfert et d’utilisation/usage de l’énergie. La première partie proposera un schéma de subjectivation en triangularisation, qui relie le niveau biologique avec la culture matérielle et avec le champ représentationnel des normativités dans notre société. La deuxième partie traitera de la modélisation de ces trois éléments comme un système énergétique processuel, en utilisant le concept de dépense et d’excès. Nous montrerons notamment comment des perturbations dans l’un des pôles de ce modèle de triangularisation, influence les autres pôles et apporte ainsi des changements dans l’ensemble du complexe anthropo-social. La troisième partie discutera des types potentiels de subjectivités émergentes, et avancera l’idée d’approfondir la connaissance et la conscience des transferts énergétiques entre les systèmes, à partir d’une sémiologie qui combinerait les différentes formes d’énergie.

MOTS CLÉS : Énergie, Systémique, Interaction, Culture, Corps, Dépense.


La Paléo-énergétique : une contre-histoire de l’énergie.

Cédric CARLES (Designer, Atelier 2Cé)

De nombreux exemple existent comme en Hollande où les voitures électriques en autopartage ont été expérimentées dès 1974. Les « Vélibs » existaient à la Rochelle à la même époque. Jean-Luc Perrier, enseignant à l’université catholique d’Angers, a construit sa voiture qui fonctionnait à l’ hydrogène produit à l’énergie solaire et qui ne rejetait que de la vapeur d’eau en 1979. Les premiers concentrateurs solaires thermiques, conçus à Tours par le professeur Augustin Mouchot, étaient déjà présentés lors de l’exposition universelle de 1878. Alors que dirigeable et train magnétique reviennent au goût du jour, cette recherche propose une plongée dans les oubliés de l’histoire de l’énergie.
Cette nouvelle écriture de l’ histoire de l’énergie tentera de comprendre et d’analyser les contextes qui ont -ou pas- permis la généralisation et le succès de certaines innovations énergétiques. Quels sont les contextes propices à l’émergence de ces inventions, les crises seraient-elles des opportunités de créativité ?
Ressusciter les techniques disparues, montrer la capacité d’innovation, l’ objectif de ce lancement de recherche est de revaloriser des innovations oubliées et une capacité d’innovation sociale, vernaculaire, décentralisée, inattendue. Un appel à participation sera lancé dans la communauté des ingénieurs et des sociologues de l’énergie et au delà, ce lancement de recherche se veut ouvert et souhaite faire appel à l’intelligence collective ainsi qu’à la capacité collaborative du numérique.
A l’heure de la nécessaire transition énergétique, la Paléo-énergétique propose d’explorer les brevets qui sont tombés dans le domaine public, d’exhumer des innovations insoupçonnées. Cette matière intellectuelle, ce bien commun, pourra être remis à disposition et revalorisé par les communautés créatives et collaboratives open-source afin de permettre aux inventions non pas de tomber dans le domaine public mais de s’y élever.
Plusieurs institutions et chercheurs interagissent déjà et ont encouragé ce projet de chantier : Côme Bastin ( journaliste à We Demain ),
Eric Dussert ( BNF ), Isabelle Taillebourg et Céline Ramondou (Musée des Arts & Métiers), Marie-Haude Caraës ( co-directrice des Beaux-Arts Tours-Angers-Le Mans), Hélène Subrémon (Saint-Gobain Recherche).

MOTS CLÉS : Méthode de recherche participative incluant le public, gouvernance et politique industrielle, transversalité, innovation sociale, design et sociologie de l’énergie, structuration historique de la question énergétique, numérique, patrimoine / domaine public et open-source.


De la performance énergétique.

Arnaud CRÉTOT (Ingénieur Thermicien, Association des
vagabond de l’énergie)

La présente communication est le regard d’un ingénieur thermicien, sensibilisé aux questions sociologiques, s’étant confronté au terrain, à travers une aventure humaine d’un an, dans 15 pays aux côtés des acteurs de l’énergie [A. Crétot, R. Deloof, “Projet des vagabonds de l’énergie”].
Si la sociologie de l’énergie ne devait exprimer qu’une chose, ce serait la nécessité de faire dialoguer le technicien, l’expert, avec son environnement social, économique et physique, qu’il entende l’écho d’un contexte historique, géopolitique et culturel. Le but de ce dialogue serait la concrétisation des réalisations techniques, à la recherche de performance énergétique.
Au cours de ces deux derniers siècles le technicien a développé une spécialisation extrême. Les limites de sa connaissance se sont d’autant plus resserrées que son niveau d’expertise s’est élevé. D’expert en expert, de proche en proche, l’ambition a été de maîtriser le champ de la connaissance de bout en bout. Aujourd’hui, d’un côté l’ingénieur énergéticien, de l’autre le sociologue, constatent amèrement que l’environnement a changé. Tout se passe comme-ci le puzzle des compétences pensé pour être assemblé à plat, devait maintenant prendre place sur une sphère. Inévitablement notre compréhension s’est fragmentée, notre capacité à agir affaiblie.
Un exemple criant est celui du secteur du bâtiment. Une enquête récente de l’UFC Que Choisir [« Enquête sur les Diagnostics de Performance Energétique », oct. 2014.] démontre la variabilité des résultats de DPE (Diagnostic de Performance Energétique) obtenus par différents professionnels sur les mêmes logements. Cette étude montre que la situation dans un secteur aussi prioritaire que le bâtiment est alarmante. Les outils ne sont pas à la mesure des enjeux. Le monde de l’énergie connait une révolution. Les ressources énergétiques ne sont plus envisagées comme facilement accessibles. Une grande part des ressources non renouvelables ont déjà été brûlées pour satisfaire les besoins des hommes qui vécurent ces cent cinquante dernières années. A ce rythme il ne reste guerre plus de temps à notre civilisation puisque toutes nos activités seront compromises en cas de pénurie. Est-ce cela le comportement rationnel d’une société conseillée par des experts dont la science est née avec ces ressources qui viennent à manquer? Est-ce cela le progrès?
Nos connaissances acquises de longues dates, couches par couches, ne nous fournissent plus les outils nécessaires pour évoluer dans le monde du tarissement des ressources et des enjeux environnementaux. Le mot d’ordre doit être la concrétisation : chaque éléments de l’objet technique doit contribuer à la fonction recherchée (ex : élever la température). Pour l’heure le secteur du bâtiment se réfugie derrière une complexification accrue : “les logements économes ressemblent (…) à des boîtes étanches très technicisées assorties de beaucoup d’automatismes (…)” [C. Belay, M.C. Zelem, « Changer les comportements, changer la société? », CLER infos, n°92, p.8]. Pourtant d’autres modes de pensée sont pressentis par certains auteurs depuis les années cinquante. Ainsi G. Simondon indiquait que « la méditation sur les automates est dangereuse car elle risque de se borner à une étude des caractères extérieurs et opère ainsi une assimilation abusive. Seuls comptent les échanges d’énergie et d’informations dans l’objet technique ou entre l’objet technique et son milieu ; les conduites extérieures vues par un spectateur ne sont pas des objets d’étude scientifique” [Du mode d'existence des objets techniques, Editions Aubier. 1958, p.48.]. Ainsi il ne s’agit pas d’assembler des éléments au simple regard de leurs caractéristiques extérieures, mais de concevoir l’ensemble des éléments constituant l’objet technique pour remplir sa fonction de manière performante. Cet ensemble concret est le plus performant qu’il soit. Ce mouvement de pensée suggère une approche radicalement différente, mais plus en phase avec les enjeux actuels : “La fabrication du confort passe ainsi d’une logique de production de chaleur à des pratiques de conservation et de récupération” de l’énergie (G. Briespierre, 2013).
Cette communication s’attaquera donc d’abord à proposer une définition de la performance énergétique qui puisse servir de base aux acteurs de l’énergie, capables de penser le dispositif technique sur un terrain social, de le penser concret. Dans un second temps il sera initié une réflexion pour la conception de nouveaux outils à disposition des ingénieurs, permettant de travailler sur le système socio-technique et non plus uniquement sur les dispositifs technique.

MOTS CLÉS : performance, énergie, technique, sociologie, expertise.


Comprendre et évaluer l’effort individuel de réduction des émissions de CO2 – Apports de l’Économie et de la Psychologie Sociale aux méthodes d’enquêtes déclaratives.

Dorian LITVINE (ISEA Projects / CREDEN, UM1)
Henrik ANDERSSON (École d’économie de Toulouse /LERNA, UT1, CNRS)

Face à la complexité du problème climatique, les récentes déconvenues des politiques de régulation ainsi que les critiques émises vis-à-vis des plafonds d’émission (cap) avivent l’importance de l’initiative citoyenne. Dans ce cadre, il est important de comprendre la disposition individuelle à réduire volontairement les émissions de CO2. En effet, développer des méthodes fiables d’estimation de la valeur et des préférences que les individus forment pour les biens, services et actifs naturels est essentiel pour concevoir et mettre en œuvre des dispositifs incitatifs et/ou contraignants.
Parmi les méthodes développées en Économie, celles dites par « préférences déclarées » telles que l’Évaluation Contingente (EC) sont fréquemment utilisées pour explorer la valeur que les citoyens attribuent à la régulation climatique. Ces méthodes restent cependant confrontées à deux enjeux majeurs : l’évaluation précise des attitudes/ préférences et les biais déclaratifs.
Nous abordons ces questions méthodologiques sur la base d’une enquête en ligne menée au printemps-été 2009 sur un échantillon représentatif des chefs de famille français (n=1730). Cette étude vise à estimer la disposition des ménages à réduire volontairement leur empreinte carbone via l’Achat et la Rétention de Permis d’Emission de CO2 (noté ARPEC) : chaque permis retiré du marché européen de quotas évite l’émission d’une tonne de CO2.
Trois méthodes tirées de l’Economie et de la Psychologie Sociale sont testées afin d’identifier et d’alléger l’impact des biais déclaratifs sur les estimations, et de réduire l’écart entre déclarations et comportement potentiel. En premier lieu, nous complétons la mesure classique de disposition à payer par deux variables plus contextuelles et qualitatives : l’intention d’achat et la disposition générale à payer (Serait-il envisageable pour vous d’effectuer un jour un ARPEC ?). Cette combinaison permet d’appréhender diverses dimensions de la demande potentielle, et d’en affiner l’estimation.
Ces variables endogènes de la demande sont ensuite intégrées dans un modèle d’action mêlant des facteurs variés : croyances, normes sociales, altruisme, attitudes stratégiques, etc. En offrant une image enrichie des préférences, ces modèles permettent des estimations plus efficaces et robustes.
Enfin, nous appliquons des dispositifs innovants inspirés des méthodes expérimentales. Ainsi, l’intention de chercher de l’information (déclaration) est comparée à l’effort effectif à traiter des données au cours de l’enquête (comportement observé). Nous évaluons aussi chez l’individu le degré de cohérence entre les variables environnementales latentes (attitude, préoccupation, etc.) et son niveau d’engagement écologique (actions régulières déclarées).
En intégrant ces divers dispositifs dans un environnement interactif conçu pour stimuler l’engagement (outils cognitifs sur internet), notre étude améliore l’estimation de la demande et de l’achat potentiels, en allégeant notamment l’impact des biais déclaratifs.
Au-delà de sa contribution méthodologique, et notamment pour l’investigation des comportements écologiques volontaires, notre travail propose des éléments utiles à la définition des politiques publiques et à l’optimisation des mécanismes incitatifs de réduction de l’empreinte carbone. Avec une meilleur compréhension des attitudes/ préférences et des origines du comportement, les réponses d’enquête reflètent davantage la valeur « réelle » des citoyens. Nous appréhendons également davantage le rôle de l’engagement individuel dans les politiques de régulation climatique.

MOTS CLÉS : préférences déclarées, évaluation de la demande, analyse comportementale, biais déclaratifs, psychologie sociale, empreinte carbone.