ENJEUX ÉNERGÉTIQUES ET STRUCTURATION DU/DES TERRITOIRE(S) (Atelier)


AXE ÉNERGIE, POLITIQUES PUBLIQUES ET TERRITOIRE

Les paysages de l’énergie.

Hélène BAILLEUL (Université Rennes 2 / ESO)
Raphaële BERTHO (Université Bordeaux Montaigne / MICA)
Anne GAGNEBIEN (Université Paris 13 / LABSIC)
Caroline GUITTET (Université Rennes 2 / ESO)
Nicolas D’ANDRÉA (Université Bordeaux Montaigne / ADES)

A quoi ressemblent les transitions énergétiques ? Comment s’incarne le développement durable dans notre paysage quotidien ? Nous tenterons ici de saisir la manière dont ces concepts prennent corps dans l’imaginaire du territoire à travers l’étude comparée de deux corpus photographiques amateurs. Ils ont été rassemblés à l’occasion de deux concours nationaux organisés à une vingtaine d’années d’intervalle : Mon paysage, nos paysages en 1992 et Mon paysage au quotidien en 2013, par le Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Energie. Ponctuant les avancées de la politique paysagère en France (loi paysage et loi sur la transition énergétique), ces deux concours tentent de saisir la perception du paysage ordinaire par les français.
Ces corpus photographiques nous semblent pouvoir être considérés comme une radiographie des perceptions paysagères et des pratiques photographiques des français. A l’occasion d’un contrat mené en 2014 pour le compte du MEDDE, nous avons eu accès à un corpus de plus de 8000 photographies ainsi qu’aux archives du précédent concours.
Sur cette base, nous questionnerons plus particulièrement la perception du service écologique du paysage d’une part, mais aussi la vision – et la visibilité – des infrastructures liées aux transitions énergétiques comme les éoliennes, les panneaux solaires, les modes de transport doux, etc. d’autre part. Nos résultats reposent sur une analyse croisée des images et des textes (titre et légendes) selon une méthodologie qualitative, informée par une analyse des profils des participants au concours (adresse, sexe, âge, profession). Nous verrons que la perception des questions écologiques en 1992 et 2013 s’opposent et donnent à voir une certaine esthétisation du débat environnemental.

MOTS CLÉS : paysage, photographie, approche culturelle, infrastructures, éoliennes.


Consommations énergétiques dans le parc résidentiel à horizon 2050 selon quatre scénarios prospectifs distincts.

Amira BENTAHAR (GDF SUEZ/CRIGEN)

L’amélioration de la performance énergétique des bâtiments résidentiels neufs et existants est l’une des préoccupations majeures des politiques en faveur de l’efficacité énergétique. Les instances politiques locales, régionales, françaises mais aussi européennes s’emparent de la question. Le sujet se révèle complexe tant les paramètres influant sur la consommation des bâtiments résidentiels sont nombreux (qualité des bâtiments, comportement des occupants…). Les moyens d’actions sont donc variés : sensibilisation, incitation, obligation… La simulation prospective se révèle être un bon éclairage décryptant l’influence des actions entreprises sur les consommations énergétiques sur le long terme.
Dans ce cadre, le CRIGEN, centre de recherches de GDF SUEZ, a conçu un outil prospectif (« OPERA Résidentiel ») calculant les consommations énergétiques du parc résidentiel français à horizon 2050. Cet outil, basé sur une description détaillée du parc résidentiel actuel, permet d’appréhender l’impact des mesures politiques et des comportements sur les consommations futures du parc. De nombreux paramètres sont pris en compte, comme le taux et types de rénovation ainsi que l’effet rebond après rénovation, le besoin de construction neuve résultant de la structure des ménages, la pénétration des systèmes énergétiques très performants, l’utilisation des équipements domestiques par les ménages…
Le CRIGEN a réalisé un exercice prospectif aboutissant à quatre scénarios distincts d’évolution de l’organisation géopolitique mondiale, de la politique française et des mœurs de la société française. Ces scénarios ont été modélisé de manière quantitative dans l’outil OPERA Résidentiel afin d’étudier leurs impacts sur les consommations du parc de bâtiments en résidentiel.
La diversité des résultats obtenus permet d’appréhender l’influence prépondérante de l’organisation politique et sociétale sur les consommations énergétiques du parc de bâtiment résidentiel.

MOTS CLÉS : prospective,résidentiel, comportements, usages, consommations d’énergie.


Quatre scenarii de coordination infra-urbaine de l’énergie : coopératif, collectivités locales, État prescripteur, grandes entreprises.

Nicolas BUCLET (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Gilles DEBIZET (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Caroline GAUTHIER (Grenoble École de management).
Stéphane LA BRANCHE (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Philippe MENANTEAU (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Patrice SCHNEUWLY (CEA à l’INES/Bourget du Lac).

Des objectifs à long terme de production d’énergies renouvelables ont été fixés. Elles mobilisent des ressources dispersées dans l’espace, dont l’éolien et le solaire qui produisent de façon intermittente. Pour combler les écarts temporels entre la consommation et la production, les politiques nationales et européenne explorent d’une part, la création d’un marché de capacités de production d’électricité prenant le relais des énergies intermittentes, d’autre part l’effacement temporaire de la demande des consommateurs par des incitations économiques et des réglementations.
Dans un schéma où producteurs et consommateurs seront de plus en plus confondus -ne serait-ce par l’obligation de réaliser des bâtiments à énergie positive-, nous posons le problème autrement en proposant une troisième voie : les bâtiments et les mailles fines des réseaux d’énergie pourraient être des lieux de gestion des intermittences de la production et des fluctuations de la consommation. Cette « gestion » ne saurait être prise en charge par un opérateur énergétique unique ; elle suppose au contraire une coordination infra-urbaine de l’énergie co-assurée par les acteurs de la transformation des espaces bâtis et/ou de nouvelles conventions entre ces acteurs.
Les grandes entreprises, les collectivités locales, l’Etat, mais aussi certains mouvements associatifs ou coopératifs expérimentent et tentent de prendre une place centrale au cœur de nouveaux dispositifs de coordination et de co-construction des systèmes énergétiques urbains. Dans le cadre du projet Ecoquartier NEXUS Energie financé par l’ADEME, une équipe pluridisciplinaire a élaboré des scenarii de coordination infra-urbaine de l’énergie se distinguant selon la catégorie d’acteurs s’imposant en tant qu’acteur pivot. La méthodologie est basée sur la notion nœud socio-énergétique : les chaines énergétiques qui distribuent, convertissent et stockent l’énergie dans les espaces bâtis sont constituées par assemblage de systèmes techniques portés par différents acteurs décisionnels.
La communication proposée exposera les scenarii et exposera la méthodologie interdisciplinaire associant les sciences politiques, économiques, technologiques et de l’aménagement et de la gestion.

MOTS CLÉS : réseau d’énergie, ville, assemblage, production distribuée, régulation.


L’énergie, support de la montée en puissance de l’action publique locale.

Marie DEGREMONT-DORVILLE CNRS/Sciences Po/ Centre de sociologie des organisations).

De nouvelles dynamiques s’appliquent au système électrique mis en place au XXème siècle, notamment après la loi de 1946 (Evrard, 2010), et mettent à l’épreuve les logiques autour desquelles il a été construit. Son organisation administrative et technique, ses institutions reposent sur la recherche d’économies d’échelle et un pilotage centralisé (Poupeau, 2008), alors que les effets conjugués de la décentralisation institutionnelle, de la libéralisation du secteur de l’électricité et des politiques environnementales favorisent le développement de politiques locales dans le domaine de l’énergie.
En effet, la libéralisation du secteur permet l’entrée sur le marché de multiples acteurs, dont les collectivités locales ; les politiques énergétiques actuelles soutiennent la production d’énergies renouvelables essentiellement décentralisées, et la maîtrise de l’énergie est par nature réalisée au niveau local. En outre, les collectivités territoriales acquièrent de nouvelles compétences en termes de direction des mix énergétiques et d’intervention dans la maîtrise des consommations.
Cette communication propose de décrypter la réorganisation des niveaux et des modalités d’intervention que ces politiques entraînent et montre qu’en structurant leur action à l’échelon régional, les collectivités contribuent à définir un nouvel arrangement institutionnel dans lequel elles ont un rôle plus important.
En faisant de l’énergie un enjeu politique soutenant leur revendications décentralisatrices, de leurs actions dans ce domaine un moyen de légitimer leur capacité à assurer le développement des territoires, à rassembler autour d’un projet partagé (Genieys, 1997), en construisant une capacité politique locale (Ritaine, 1997), ce sous l’impulsion de personnalités engagées sur ces enjeux (Nay et Smith, 2002), les collectivités territoriales tentent d’accroître leur influence et leur capacité de gouvernement.
Cette communication repose sur un travail effectué dans le Nord-Pas de Calais en 2013-14 et des analyses bibliographiques approfondies. Elle mobilise des sources primaires écrites mettant en perspective des données représentant différents indicateurs territoriaux. Une quarantaine d’entretiens semi-directifs avec des chargés de missions techniques et des décideurs politiques ainsi que des séquences d’observation participante ont permis de préciser les résultats obtenus. Ceux-ci ont été analysés à la lumière d’études réalisées en amont sur le débat national sur la transition énergétique ainsi que sur la loi transition énergétique mise en débat en 2014.

MOTS CLÉS : Gouvernance, territoires, politiques publiques, énergie, décentralisation.


Les entreprises locales de distribution d’énergie, outils de quelle gouvernance énergétique urbaine ?

Pauline GABILLET (École des Ponts -ParisTech /LATTS).

La mise à l’agenda des enjeux énergétiques conduit à la valorisation de l’échelle locale, et plus particulièrement des villes, du fait de la concentration des consommations d’énergie dans les territoires urbains (Hodson et Marvin 2010; Rutherford et Coutard 2014; Bulkeley, Castan Broto et Marvin (eds.) 2010). Dans ce cadre, certains travaux interrogent la nature de cette interaction entre ville et énergie. Renvoie-t-elle strictement à une mise à l’agenda de l’énergie par les villes (urbanisation) ou observe-t-on une véritable territorialisation énergétique à l’échelle urbaine, c’est-à-dire une recomposition des pouvoirs en faveur des villes (Jaglin et Dubresson 2013; Jaglin et Verdeil 2013; Poupeau 2013) ?
C’est dans la continuité de cette question que nous allons étudier le cas de deux villes françaises disposant d’entreprises locales de distribution (ELD). Depuis plus de cent ans, les villes de Grenoble et Metz sont en effet propriétaires (aujourd’hui actionnaire majoritaire) d’opérateurs énergétiques locaux – respectivement GEG et UEM – qui assurent la distribution d’électricité sur leur territoire, mais aussi de gaz dans le cas de Grenoble et de chauffage urbain dans le cas de Metz. Cette adéquation entre ville et échelle d’organisation des opérateurs apparaît comme un levier majeur de politique énergétique urbaine.
Dans un premier temps, nous analyserons la réalité des marges de manœuvre dont disposent les communes qui possèdent une ELD. La régulation du service public de l’électricité qui s’applique à ces opérateurs locaux reste essentiellement nationale et que les communes ont donc peu de leviers de régulation vis-à-vis de leur opérateur locale. Dans un second temps, en regardant le fonctionnement interne des communes, nous analyserons la manière dont les communes abordent ces outils et leur capacité à les piloter. Ceci nous permettra de caractériser les interactions entre ville et ELD et de voir si l’on peut parler de gouvernance énergétique urbaine.

MOTS CLÉS : entreprises locales de distribution, action publique urbaine, politique énergétique urbaine, système politico-administratif.


Récupérer la chaleur des entreprises pour chauffer le territoire : une conception non-linéaire de la fourniture d’énergie à l’épreuve des dynamiques locales. Les cas de Dunkerque et de Marne-la-Vallée.

Zélia HAMPIKIAN (École des Ponts ParisTech /LATTS).

Au sein des discours officiels promouvant une transition énergétique, l’usage des énergies de récupération (récupération de la chaleur produite par des processus ayant un autre objectif) se trouve encouragé, au même titre que celui des énergies renouvelables, et parfois même de manière prioritaire. Une traduction matérielle en est, en particulier, la mise en œuvre de systèmes récupérant la chaleur dite « fatale » produite par certaines activités d’entreprises privées dont la production d’énergie n’est pas le cœur de métier (industrie métallurgique ou chimique et data centers en premier lieu). Cette énergie, dissipée dans l’atmosphère si elle n’est pas récupérée, est valorisée par une distribution auprès de consommateurs au moyen d’un réseau de chaleur. Une configuration matérielle et organisationnelle inhabituelle apparaît ainsi. Hors, les acteurs impliqués dans de tels systèmes, qu’il s’agisse de l’entreprise, fournisseuse d’énergie de fait, de la collectivité, de l’opérateur du réseau de chaleur ou des consommateurs, entretiennent des rapports au territoire différents et parfois instables, qui sont guidés par leurs intérêts propres. Cette instabilité est en particulier traduite en questions concrètes posées par les acteurs (par exemple, qu’advient-il du système si l’entreprise se délocalise ?), qui incitent à s’interroger sur le fonctionnement sociotechnique de tels systèmes.
Dans cette communication, nous proposons donc de nous intéresser aux jeux d’acteur qui sous-tendent la mise en œuvre de ces solutions énergétiques. Les échanges d’énergie s’accompagnent en effet de flux financiers, d’investissements et d’accords contractuels qui contribuent à créer des relations spécifiques entre les différents acteurs impliqués, n’ayant jusqu’à présent pas fait l’objet d’investigations par la recherche. Elles s’accompagnent pourtant d’une série de questions, qui interrogent directement les enjeux sociaux, politiques et organisationnels des transitions énergétiques, auxquelles nous tentons de répondre : comment les gains et les risques attenants à ces systèmes sont-ils partagés et par quels moyens ? Comment les dynamiques, à la fois économiques, matérielles et organisationnelles qui animent les différents acteurs, et plus particulièrement le fournisseur d’énergie, sont-elles prises en compte ? Quels sont les acteurs impliqués et pourquoi ? Quel rôle jouent les collectivités dans leur initiation, leur fonctionnement et leur pérennisation ? Comment les articulent-elles avec les projets de territoire ?
Pour conduire notre raisonnement, nous nous appuyons sur l’étude approfondie de deux cas français pionniers et contrastés dans leur constitution : la récupération de chaleur sur les fourneaux de l’usine de métallurgie d’ArcelorMittal à Dunkerque, et la récupération de chaleur sur les groupes de froid d’un data center à Marne-la-Vallée, sur la zone d’activités du Val d’Europe. L’analyse conduite repose sur l’exploitation d’entretiens réalisés auprès des acteurs concernés, de documents de littérature institutionnelle ou grise ainsi qu’à valeur juridique.

MOTS CLÉS : énergie de récupération, chaleur fatale, système sociotechnique, Dunkerque, Val d’Europe.


Les expérimentations de réseaux électriques intelligents entre territorialisation et stratégies internationales. Le cas des smart communities japonaises.

Nicolas LEPRETRE (ENS de Lyon/Institut d’Asie Orientale).

Les développements récents de réseaux électriques « intelligents » et d’une production énergétique renouvelable décentralisée témoignent de nouvelles stratégies dans les pays industrialisés (Coutard & Rutherford, 2009). Les systèmes « intelligents » de gestion et de réduction de la consommation d’énergie auraient un impact sur l’organisation des acteurs, avec l’émergence des firmes de nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC), mais aussi des collectivités territoriales dans le secteur de l’énergie. Cette mise à l’agenda local de l’énergie répondrait à des enjeux de revitalisation du territoire mais aussi à des enjeux internationaux, les firmes souhaitant développer des normes internationales. Il convient dès lors de s’interroger sur les formes organisationnelles adoptées par les acteurs locaux pour répondre à ces enjeux multi-échelles.
Si les réseaux intelligents sont encore nouveaux en France, il est utile de regarder les cas étrangers. Le cas japonais, où des expérimentations de « smart communities » sont en places depuis 2010, est révélateur de choix technologiques et de pratiques organisationnelles (Mah et alii, 2013) qui pourraient s’importer en Europe. Une étude comparée de projets dans les villes de Yokohama, Kitakyushu et Toyota et la cité scientifique de Kyoto Keihanna permet de montrer la diversité de modes d’action publique selon les enjeux locaux. En s’appuyant sur un travail de terrain de sept mois et une quarantaine d’entretiens, cette communication tentera de contribuer aux réflexions sur la sociologie de l’énergie à deux égards.
D’une part, nous étudierons le référentiel néolibéral (Poupeau, 2013) et techniciste (Souami, 2009) des acteurs impliqués ainsi que les stratégies internationales, érigeant le boitier communicant comme une solution technologique à privilégier (Klopfert & Wallenborn, 2011). D’autre part, à travers nos cas d’étude, nous analyserons la gouvernance de ces expérimentations, en soulignant l’importance d’enjeux économiques locaux, mais aussi la difficulté de certaines municipalités à se positionner comme acteur de l’énergie. La position ambigüe des compagnies électriques et le rôle structurant de la firme « chef de projet » marginalisant les acteurs comme les associations environnementales, les chercheurs et les habitants seront également étudiés. Cette communication invitera en conclusion à s’interroger sur les limites de la territorialisation des enjeux énergétiques dans le contexte japonais et à proposer certaines éléments de réflexion pour le contexte européen.

MOTS CLÉS :réseaux électriques intelligents, territorialisation, normes internationales, expérimentations locales, Japon.


Les campus universitaires, des territoires en transition énergétique ? Une étude de cas local mise en perspective internationale.

Sophie NEMOZ (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/Centre international de Recherches en Economie Ecologique).

A l’heure où les travaux universitaires s’emparent de la question de « la transition énergétique », multipliant les colloques et les publications scientifiques sous ce vocable dans différentes disciplines, notre propos interroge l’action des établissements de recherche et d’enseignement supérieur sur leurs propres territoires. Ce questionnement part concrètement d’une expérience de recherche sociologique menée dans le cadre du projet « Smart Campus ». Lancé en 2012 par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, le déploiement d’un réseau électrique intelligent promet de connecter localement la production d’énergie renouvelable aux consommations des bâtiments et à celles d’un service d’auto-partage électrique, accessible sur les sites de l’établissement. Si ce dernier vise ainsi à devenir « un laboratoire vivant » de la transition énergétique, il s’avère cependant que l’expérimentation a été ajournée au cours de l’été 2014. En ce qui concerne les changements sociotechniques liés à l’énergie, un tel cas d’étude soulève la question de la pertinence du caractère favorable de l’environnement universitaire.
La recherche d’éléments de réponse à cette question se poursuit aujourd’hui à une échelle internationale. Dans un premier temps, elle permet d’élargir plus en avant la réflexion, en examinant dans quelle mesure les politiques appellent à une territorialisation de la transition énergétique sur les campus. Cette analyse des instruments et des représentations qui circulent à différents niveaux de l’action publique sera ensuite confrontée aux premiers résultats d’une enquête par questionnaire que nous conduisons auprès de plusieurs centaines d’universités à travers le monde. En abordant empiriquement la question énergétique dans leurs pratiques territoriales, cette mise en perspective vise à apporter un nouveau regard sur les compétences décentralisées aux communautés universitaires et sur les enjeux identifiés au travers d’une démarche réflexive.

MOTS CLÉS :universités, politiques énergétiques, pratiques territoriales, monographie locale, enquête internationale.


Les infrastructures toxiques : autoroutes, éoliennes terrestres et le handicap de l’âge.

Cameron ROBERTS (University of Manchester/Institute of Innovation Research)
Miles TEN BRINKE (University of Manchester/Institute of Innovation Research)
Marc HUDSON (University of Manchester/Institute of Innovation Research)

La notion d’handicap de la nouveauté est devenue si commune dans les théories de la transition qu’elle en est considérée, à raison, comme un des principes fondateurs de la discipline. A leurs débuts, les nouvelles technologies ne reçoivent guère de soutien institution et cognitif pour entrer en compétition avec celles qui sont déjà établies. Cependant, une trop grande attention portée à cet aspect conduit à ignorer les manières dont l’âge des technologies en place peut poser problème, tant pour leur propriétaire que pour la société en général. C’est en particulier le cas des technologies nécessitant des infrastructures complexes, en raison de la difficulté d’y affecter des ressources visant à les étendre. Cette difficulté est liée à la diminution un enthousiasme public et privé.
Les infrastructures toxiques sont des infrastructures qui rencontrent une opposition significative, bien qu’elles fassent partie d’une configuration sociotechnique dominante. Dans les premières phases de transition, quand une innovation de niche débute, les acteurs évitent de s’enliser dans des critiques sur le coût ou l’effet de nouvelles constructions sur les communautés locales. Par la suite, quand une technologie innovante existe depuis un certain temps, l’enthousiasme décline, menant au développement de problèmes et de conséquences imprévues de façon spectaculaire et permettant aux opposants au projet de gagner en crédibilité. Cette perte enthousiasme peut affaiblir un régime ou la capacité des acteurs à accumuler des ressources pour étendre leur système.
Cette contribution vise à illustrer le processus par lequel les infrastructures deviennent toxiques, au travers de deux études de cas : les autoroutes et les éoliennes terrestres au Royaume-Uni. A leurs débuts, les autoroutes ont été un sujet de fascination et d’enthousiasme médiatique, avant de se banaliser dans les années 1970.
Elles ont ensuite fait face à une forte opposition politique au cours des années 1980 et 1990. Dans le cas des éoliennes, elles ont été une source d’excitation par leur inclusion dans le futur de l’énergie bas-carbone, pour ensuite voir leur soutien diminuer avec la construction de parcs éoliens et l’augmentation des préoccupations des communautés locales, liées aux aspects esthétiques et financiers. C’est une des raisons de l’orientation britannique pour la construction d’éoliennes en mer.
Ces deux études de cas montrent une dynamique de transition qui peut soit créer des ouvertures pour des innovations de niches soit forcer une auto-redéfinition du système technologique. La conséquence est que l’élan technologique pourrait être difficile à maintenir de manière constante, du moins, au regard des aspects politiques et culturels. Il s’agit ainsi d’une importante considération pour les analyses ex ante, ainsi que pour les études et la gestion des transitions.

MOTS CLÉS :Toxique-infrastructure, brin-actifs, de visions, de niche, de régime.


Conditions de mise en œuvre de la transition énergétique dans les projets urbains : analyse des cas Paris Rive Gauche, Clichy-Batignolles.

Charlotte TARDIEU (Université Lille 1/Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris/TVES).

Dans le contexte actuel de renchérissement des ressources énergétiques et de lutte contre le changement climatique, les villes ont un rôle à jouer dans la nécessaire transition énergétique. Les enjeux tant économiques, sociaux et environnementaux soulevés doivent alors être intégrés aux pratiques de production et de renouvellement de la ville. Le projet urbain, en tant qu’action coordonnée et globale sur un territoire donné, représente selon nous une opportunité pour construire des villes économes en énergie et sans carbone. Notre revue de la littérature scientifique a en effet mis en évidence l’existence de leviers urbains et architecturaux pouvant être activés lors d’un projet urbain pour réduire les besoins énergétiques des villes et favoriser le développement du recours aux énergies renouvelables et de récupération.
Nous avons donc choisi d’explorer les pratiques aujourd’hui à l’œuvre en matière d’énergie dans les projets urbains. Nous procédons de manière inductive et comparative à l’étude de trois cas parisiens, Paris Rive Gauche, Paris Nord Est et Clichy-Batignolles, afin de comprendre : Comment est abordée les enjeux de l’énergie dans ces projets urbains ? Par quels acteurs sont-ils pris en charge ? Quelles actions sont mises en œuvre ? Quelles échelles spatio-temporelles sont considérées ? Notre analyse s’appuie sur des entretiens semi-directifs avec les acteurs de ces trois projets urbains, et sur l’ensemble des documents techniques auxquels nous avons pu accéder.
Après avoir décrit comment les enjeux de l’énergie ont été pris en compte dans chacun des trois projets urbains, nous comparons les procédures et les actions qui y ont été mises en place. Cette comparaison des pratiques nous permet d’affirmer que les enjeux énergétiques ne sont que peu ou prou pris en compte lors de la définition de la stratégie d’aménagement. A la vaste échelle du projet urbain, aucun acteur est porteur de ces enjeux et même lorsque des objectifs sont définis – ce qui est rare – ceux-ci relèvent plus du discours politique que de la définition d’une stratégie dont la mise en œuvre pourrait être évaluée. Les actions ciblent majoritairement la demande en énergie des bâtiments, négligeant d’autres économies d’énergie potentielles dans l’éclairage public ou les modes de déplacements par exemple. La performance énergétique du bâtiment est intégrée à une procédure de qualité environnementale relativement classique. En revanche, la question du développement des énergies renouvelables et de récupération amène les acteurs à considérer le territoire non plus comme un lieu uniquement de consommation énergétique mais aussi potentiellement producteur d’énergies. Cette étude conduit à nous interroger sur l’échelle adaptée à la définition et la mise en œuvre d’une stratégie énergétique ainsi qu’à l’acteur le mieux placé pour coordonner cette action.

MOTS CLÉS :transition énergétique, ville, projet urbain, étude de cas, acteurs.