BÂTIMENTS ET MODE D’HABITER

PRÉCARITÉS ÉNERGÉTIQUES

Précarité énergétique en Nord-Pas-de Calais : précarité dans l’habitat et vulnérabilité énergétique globale – étude financée par le PUCA.

Hervé BARRY (Université Catholique de Lille/CRESGE)
Agathe DOUCHET (Université Catholique de Lille/CRESGE)

La recherche se focalise sur les dynamiques d’usage de l’énergie dans le logement et les déplacements. L’objectif est de mieux cerner l’impact du style de vie. Elle débouche sur un modèle analytique organisé en trois pôles : la perméabilité aux normes de consommation ; l’importance de la mobilité géographique ; le repli du ménage sur le logement et / ou ses habitants.
Les 35 ménages interviewés sont répartis dans le modèle en trois pôles. Domine une structuration autour de la « non perméabilité » aux consommations superflues et de la tendance au « repli sur le ménage ». Il n’y a pas de liaison flagrante entre la mobilité et l’une des deux autres variables retenues. Par ailleurs, une corrélation manifeste apparait entre style de vie et indices concrets de vigilance énergétique : les plus vigilants sont plutôt du côté de la restriction (en consommation et mobilité) combiné à un repli sur le ménage.
Des événements biographiques modifient le rapport à l’énergie. Si l’influence du positionnement dans le cycle de vie et la difficulté à payer ses factures est bien repérée, celle de travaux de modernisation et du suivi d’ateliers de conseil en énergie demande encore à être vérifiée.
En matière de mobilité, il ressort que les choix de transport sont peu corrélés à un véritable raisonnement économique. A l’évidence, les ménages ont des marges de manœuvre réduites étant donné leur forte contrainte économique et les déplacements incompressibles.

MOTS CLÉS : style de vie, énergie, consommation domestique, mobilité.


Précarité énergétique: quelle contribution de la Sociologie à l’étude du problème.

Ilaria BERETTA (Università Cattolica del Sacro Cuore)

La précarité énergétique représente un problème encore relativement nouveau dans les agendas politiques nationaux en Europe. À l’exception du Royaume-Uni, qui s’en occupe déjà depuis une trentaine d’années, (Walker, Jour, 2012) d’autres pays européens ont récemment commencé à répondre à cette question (entre autres, Brunner et al., 2012, Dubois, 2012, Tirado Herrero et urgent – Vorsatz, 2010). Dans l’Union européenne, également au cours des dernières années, avec l’annexion de l’Europe de l’Est et le grave problème de la performance énergétique médiocre qui caractérisent le parc de logements en moyenne (Banque mondiale, 2000; Urge – Vorsatz, et al ., 2006; Buzar 2007; Boardman, 2010), la question est de plus en plus importante. Il est à la place des États-Unis, la Chine, la Fédération de Russie, dans les pays en développement et dans d’autres parties du monde, la question est essentiellement traitée (Healy, 2004; Buzar, 2007; Morgan, 2008; projet EPEE 2009).
D’un point de vue conceptuel, la question spécifique de la « pauvreté énergétique » peut être retracée au problème plus général de l’inégalité sociale et les effets redistributifs de la politique au cours des dernières années est d’un grand intérêt au niveau des pays de l’OCDE et l’Union européenne (Commission européenne 2010; Commission européenne, Parlement européen, le Club de Rome, l’OCDE et le WWF, 2009; OCDE, 2011, 2011b; Sen, 1997;. Stiglitz et al, 2009). Cependant, les politiques mises en œuvre à ce jour ont été fragmentaires et pas spécifiquement au problème à la main.
Ce travail peut être un double objectif. D’une part veut aider à sensibiliser sur le problème, encore l’objet d’études d’un petit groupe d’experts; l’autre se demande ce qui pourrait être le rôle joué par la discipline sociologique en traitant le problème.
Le papier est essentiellement divisé en trois parties. Il débutera par une première illustration de la question de la définition donnée au niveau européen n’a pas encore parvenus à un accord sur la terminologie soit à utiliser (la précarité énergétique et la pauvreté énergétique?), Ni sur la signification exacte de l’expression. Il sera ensuite quelques données sur la prévalence du phénomène en Europe et les outils actuellement utilisés pour sa résolution. Enfin, quelques réflexions seront avancées comme une contribution à la discipline de la sociologie pourrait fournir à la fois l’identification d’une définition large et inclusive de la terminologie, il est le choix des solutions les plus efficaces pour résoudre le problème.

MOTS CLÉS : iniquités sociales, effets redistributifs, efficacité énergétique, qualité des bâtiments, soutenabilité urbaine.


Quand la consommation énergétique fragilise les ménages.

Mireille BOULEAU (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France)
LUCILE METTETAL  (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France)

Nos modes de vie contemporains sont gourmands en énergie, qu’elle soit consommée pour se chauffer, s’éclairer, mais aussi pour se rendre au travail, faire ses achats, pratiquer des loisirs et avoir une vie sociale. Cette dépendance a un coût, souvent difficilement compressible, sauf au prix de sacrifices quotidiens.
Coût résidentiel , double peine, double vulnérabilité…. En quoi cette approche par la consommation énergétique du quotidien est-elle pertinente ? En quoi permet-elle de compléter nos approches traditionnelles de la fragilité des populations et de chahuter les stéréotypes de la pauvreté ?
La consommation énergétique pèse sur le budget des ménages. Cette dépense, bien que sans commune mesure avec celle du logement, est plus insidieuse. Le contexte de hausse du coût de l’énergie force les ménages à une vigilance croissante, et la forte variabilité des prix suscite l’inquiétude. Optimiser ses déplacements, espacer les vacances, baisser la température du logement, les arbitrages et les restrictions peuvent être multiples. Comprendre ces stratégies permet de mettre en lumière un nouveau risque social, étroitement lié au type d’habitat et à sa localisation.
Selon les indicateurs utilisés et la manière dont ils sont mobilisés, l’analyse statistique dévoile une palette de symptômes et de populations plus ou moins entrelacés. Des profils de ménages différents mais des territoires qui semblent cumuler des signes de fragilité et dessiner une géographie des enjeux de l’action publique. Une enquête qualitative vient compléter cette approche, elle donne à voir la tension et l’exigence quotidienne vécues par les accédants modestes qui, pour conserver leur maison, déploient les stratégies les plus ingénieuses et les plus complexes. Rien ne doit venir enrayer cet équilibre sophistiqué, le risque de basculement est toujours présent. En ayant le sentiment d’avoir adopté des pratiques très restrictives, ces ménages fragiles témoignent d’un certain fatalisme face à une augmentation du prix des énergies.
Plus ou moins assimilés à une catégorie de nantis, les propriétaires occupants du parc individuel échappent aux radars de l’action publique . Pourtant, l’accession à la propriété dans les espaces périurbains ou ruraux, peut s’avérer difficile à assumer pour des ménages modestes, qui ont mal anticipé les coûts inhérents à un mode de vie qu’ils découvrent.

MOTS CLÉS : propriétaires modestes, effort énergétique, restrictions, stratégies, compétences.


Analyse des stratégies individuelles des ménages en précarité énergétique dans leur logement. Témoignages et décryptages.

Isolde DEVALIERE (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment Département/Economie et Sciences Humaines)

L’enquête sociologique menée pour le PREBAT auprès de 40 ménages en précarité énergétique a permis d’identifier des stratégies de chauffage différenciées : s’assurer un confort prioritaire et constant quitte à s’endetter, rechercher un confort approximatif à un moindre prix ou subir l’inconfort subi contraint. Nous proposons d’en faire une analyse du contenu afin de mettre en lumière les pratiques domestiques de ces ménages pour mieux appréhender le phénomène.
Nous interrogerons la représentation qu’ils ont du coût des consommations énergétiques qui détermine les arbitrages individuels.
Qu’il s’agisse du mode de réglage du chauffage, de la préparation des repas, de l’usage de l’eau chaude sanitaire et des pratiques de privation, d’aération ou d’obturation des ouvrants qui peuvent être porter préjudice à la qualité de l’air intérieur, nous verrons quelles sont les stratégies de chacun pour trouver un équilibre précaire entre confort thermique et gestion budgétaire et les tactiques palliatives pour lutter contre le froid et l’humidité. L’exploitation des témoignages permettra d’éclairer la façon dont les faibles savoirs techniques sont palliés par la débrouillardise qui favorise une certaine sobriété énergétique.
Nous illustrerons les conséquences de l’inconfort thermique sur plusieurs dimensions : la santé, notamment celle des personnes vieillissantes en quête de « ré-confort » au sortir d’une hospitalisation ou à la survenance d’une maladie, le rapport au logement corrélé à à celui du propriétaire bailleur, et plus largement les relations avec l’environnement social et familial.
Nous verrons enfin quels sont les systèmes de valeurs mis en avant pour justifier de pratiques de consommation restrictives, les normes individuelles et les représentations du confort thermique considéré comme un luxe ou une nécessité, guidées à la fois par un héritage socioculturel, une trajectoire résidentielle singulière, et une installation souvent contrainte.

MOTS CLÉS : précarité énergétique, pratiques domestiques, stratégies individuelles, inconfort thermique, privation de chauffage.


Quand l’énergie vient à manquer » : une fiction pour diffuser des résultats de recherche sociologique sur la précarité énergétique en milieu rural.

Béatrice HAMMER (EDF/R&D / GRETS)

Afin de diffuser par des résultats de recherches sociologiques menées au sein du GRETS dans le domaine de la précarité énergétique, nous avons réalisé un court métrage de fiction.
Ce film a été conçu pour diffuser de l’information d’une façon originale et frappante, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. Nous l’avons également utilisé, de façon expérimentale, comme un outil permettant de susciter des réactions de la part de personnes en situation de précarité énergétique.
Le scénario de cette fiction a été co-écrit avec une vingtaine de personnes d’EDF (sociologues, médecins, correspondants solidarité, etc.). Il se déroule en milieu rural, afin de battre en brèche l’idée reçue selon laquelle la précarité énergétique serait un phénomène urbain, et pour évoquer les problèmes de transport qui sont particulièrement prégnants pour cette population.
Nous nous sommes concentrés sur la situation d’une famille de néoruraux, et avons évoqué d’autres types de situations de précarité ou d’autres acteurs au travers des interactions qu’ont les membres de la famille avec leur environnement.
Le film montre comment les problèmes d’énergie peuvent faire basculer des personnes dans la précarité, et met en scène différents mécanismes qui avaient été identifiés lors de l’étude sociologique : abstinence volontaire, isolement des précaires en milieu rural, problèmes spécifiques des personnes qui ne bénéficient pas des aides sociales parce qu’elles sont juste au-dessus des seuils, difficulté à investir dans des équipements économes en énergie, refus de la stigmatisation, non recours etc.
À la fin du film, nous donnons un certain nombre d’informations de cadrage permettant de mettre en perspective ce qui a été présenté dans la fiction avec des données chiffrées.
Nous proposons de présenter le film et de dire quelques mots de la façon dont il est utilisé à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Nous pourrons aussi parler de l’utilisation expérimentale que nous en avons fait, en le projetant dans le cadre d’études par focus groups auprès de populations précaires.

MOTS CLÉS : film, précarité énergétique, sociologie, fiction, milieu rural.


La sobriété énergétique au regard de la restriction dans la consommation énergétique : cas des ménages touchés par la précarité énergétique.

Sihame HINI (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/REEDS)
Jean-Marc DOUGUET (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/REEDS)

La sobriété énergétique est l’un des enjeux majeurs de la transition énergétique. Pour instaurer la frugalité énergétique, il faudra travailler sur les innovations et l’efficacité des matériaux d’une part mais il faut aussi travailler sur le changement des comportements et révolutionner les modes d’habiter d’autre part. Souvent nous traitons cette problématique d’une façon très restreinte, pour beaucoup la sobriété énergétique se limite seulement à économiser et à réduire la consommation des ménages. Pourtant, il y a une classe de population qui ne consomme presque pas d’énergie, la plupart des ménages touchés par la précarité énergétique prennent le chemin de la restriction et se voient dans l’obligation de faire un choix entre le loyer et/ou la nourriture d’un côté, et la consommation énergétique de l’autre côté. Les initiatives à l’égard de la sobriété énergétique doivent prendre en compte cette catégorie de ménages qui se trouve dans une situation de vulnérabilité extrême et qui ne consomme cependant pas assez pour mener une vie adéquate.
La maitrise de l’énergie ne peut pas toujours faire preuve de réduction. Dans cet article et grâce à la méthode systémique nous allons montrer que la consommation énergétique doit faire preuve d’utilité. Les différences au niveau des classes socio-économiques, de la qualité thermique des bâtiments ainsi que l’organisation de chaque ménage font de la consommation un enjeu d’injustice, l’équité doit être au cœur de la sobriété énergétique et pour que cette dernière soit installée, nous devons établir une grille de paramètres et un seuil de références de consommation qui pourra prendre la place du taux d’effort énergétique et travailler avec les différents systèmes liés au ménage.
L’objectif de cet article est de travailler d’abord sur la clarification de la définition de la sobriété énergétique pour ensuite travailler sur les inégalités de consommation et de trouver une équité entre utilité des consommations énergétiques et dépense énergétique.


Les consommations d’énergie des ménages en situation de précarité énergétique : contraintes et résistances.

Elsa LAGIER (CePeD ; GDF Suez/Innovation Gaz et Energies Nouvelles/CRIGEN ; DynamE)

Les phénomènes de précarité énergétique retiennent de plus en plus l’attention des pouvoirs publics et des acteurs privés, dans un contexte marqué par l’injonction aux économies d’énergies et l’augmentation des coûts de l’énergie. Ainsi, la Direction de la Responsabilité Environnementale et Sociétale de GDF Suez cherche à adapter ses offres à destination des clients les plus vulnérables, tout en les accompagnant dans une démarche de maîtrise de leurs consommations.
Les outils mis en place cherchent à prendre en compte la complexité des logiques à l’œuvre dans la façon dont les ménages consomment l’énergie dans la sphère domestique. Cette complexité a été mise à jour grâce à une étude sociologique, reposant sur une méthodologie qualitative, que j’ai menée en 2014 pour le CRIGEN (GDF Suez). Des entretiens réalisés à domicile auprès de 15 ménages ont permis d’interroger la variété des pratiques énergétiques au regard de leur situation sociale objective et du vécu subjectif qu’ils en ont. Il s’est notamment agi de chercher à comprendre les arbitrages faits dans les choix de consommation en partant de ce constat : la gestion de l’énergie dans le foyer ne répond pas au modèle de l’homo economicus ; les plus précaires ne sont pas les plus économes. Comment comprendre que les pratiques s’éloignent parfois de l’objectif de réduction des factures ? Quelles autres rationalités sont à l’œuvre ?
A partir d’exemples, je propose d’interpréter les pratiques énergétiques de certains ménages comme des formes de « résistance » guidées par la préservation d’une représentation positive d’eux-mêmes et d’une autonomie mises à mal par les contraintes, injonctions et stigmatisations auxquelles ils doivent faire face.
L’accès à l’énergie est un révélateur de la dynamique des inégalités sociales. Les précaires énergétiques, au bas de la hiérarchie sociale, construisent leurs pratiques énergétiques en réaction à cette position, qu’il s’agisse de revendiquer une aide sociale perçue comme légitime, de critiquer des normes édictées par d’autres, de préserver un confort par de la « sur-consommation », etc.

MOTS CLÉS :précarité énergétique, pratiques énergétiques, normes sociales, résistances, stigmatisation.


Eduquer les « précaires énergétiques » à la maîtrise de la demande d’énergie : une ineptie ?

Johanna LEES (Centre Norbert Elias)

A l’intersection des politiques du logement, des enjeux du développement durable, de la ville et du social, la « précarité énergétique » fait figure de problème social, aujourd’hui à l’ordre du jour de l’agenda politique en France. Dans cette communication, grâce à l’analyse des dispositifs d’éducation à la maîtrise de l’énergie que nous nommons pour notre part « dispositif d’éducation au comportement énergétiquement correct », nous chercherons à établir comment ces dispositifs situés socialement peuvent apparaître paradoxaux ou décalés aux yeux de leurs « publics cibles ». En second lieu, la communication cherchera à montrer que ces dispositifs à destination des plus pauvres participent d’une nouvelle forme d’hygiénisme contemporain. Enfin, elle aura pour objectif d’éclairer comment sont perçus ces dispositifs par ceux qui les pratiquent (travailleurs sociaux et publics cibles) et par là même de montrer qu’ils sont inappropriés considérant les conditions matérielles d’existence de leurs destinataires.

MOTS CLÉS : Précarité énergétique, hygiénisme, énergie, consommation, confort, logements dégradés.


Représenter les situations de la précarité énergétique.

Bruno MARESCA (CREDOC)
Stéphanie LACOMBE (photographe indépendante)

La communication présentera une série de photographies de grande qualité, assortie d’un éclairage sociologique présentant un éventail de situations. La série des situations retenues donnera à voir le cadre de vie des personnes concernées par la précarité énergétique, ainsi que l’adaptation de ces personnes pour y faire face. La communication s’appuie sur des entretiens éclairant les effets de la précarité énergétique dans la vie quotidienne et sur une approche photographique produisant une représentation parlante de ces situations. L’ambition est de montrer des personnes aux prises avec des conditions d’habitat sans confort, de rendre sensible leur adaptation et leur expérience de ces situations, dans lesquelles l’insuffisance de chauffage induit une cascade de difficultés quotidiennes.

MOTS CLÉS : précarité énergétique, mal logement, sociologie, photographie, représentation.


« Être économe », une pratique sociale : la culture à l’épreuve des économies d’énergie.

Fanny PARISE (Doctorante à l’Université Paris Descartes/Anthropologue freelance/Solidar’Energie)

La précarité énergétique n’est pas unique. Elle est plurielle. Corrélée à la diversité des pratiques habitantes, en saisir le « sens » équivaut à dresser un « état des lieux » de la diversité des pratiques habitantes en matière de pratiques MDE.
Les pratiques énergétiques des ménages représentent une construction socio-culturelle. L’observation ethnographique des usages in situ des habitants éclaire sur les modes de vie, les croyances et les contraintes matérielles avec lesquels doivent composer les individus. Des réponses partielles existent déjà à l’échelle des territoires pour lutter contre la précarité énergétique, comme l’installation de compteurs « intelligents » en résidences sociales où les habitants sont accompagnés par des structures locales qui transmettent « les bonnes pratiques MDE » grâce à des supports de communication ou des « conseils énergie ». Notre travail de terrain révèle que le changement de pratiques habitantes nécessite non seulement l’apprentissage de pratiques « plus économes », mais également leur intégration au sein d’un système de valeurs qui fait « sens » pour l’individu.
Nos travaux mettent en perspective la dimension holistique des pratiques d’économie d’énergie. Des hypothèses de terrain émergent des entretiens et des observations réalisées en région Rhône-Alpes et à Paris Petite-Couronne : éteindre la lumière lorsque l’on quitte une pièce, augmenter le chauffage jusqu’à atteindre un niveau de confort satisfaisant, choisir le type d’appareils électriques du foyer et ses pratiques d’utilisation représentent un acte social, un acte symbolique. Ces pratiques qui sont socialement construites et situées s’intègrent au sein d’un ensemble de contraintes contextuelles, environnementales et matérielles. Différents facteurs conditionnent les pratiques énergétiques des ménages comme le statut d’occupation (locataire, propriétaire, résident de foyer), le taux d’occupation (personne seule ou ménage), le lieu d’habitation (ville centre, périurbain, campagne), le type d’habitat (habitat individuel, intermédiaire, dense, léger), l’ancienneté du logement et les normes de construction (habitat ancien, « passoire énergétique », construction aux normes RT 2005 – 2012, BBC), mais également le type d’équipements énergétiques du logement, le niveau d’ancienneté et la classe énergétique des objets présents au sein du domicile, le niveau de connaissance des « bonnes pratiques énergétiques », les pratiques réelles des usagers ainsi que la sociabilité de l’individu (isolé, socialisé, engagé). A l’échelle micro-individuelle, d’autres facteurs ont également une répercussion sur les pratiques énergétiques des habitants, comme l’état physique ou psychologique de l’individu, les cycles de vie (être en âge de travailler, être à la retraite, avoir une activité quotidienne (à l’extérieur ou à l’intérieur du domicile) ainsi que les ressources économiques (dépenses contraintes, reste-à-vivre).
Le collectif de réflexion Solidar’Energie, qui valorise la lutte contre la précarité énergétique à l’échelle territoriale, interroge la diversité des pratiques énergétiques pour apporter une réponse globale et un outil d’aide de gestion territoriale de la précarité énergétique. A travers son approche transversale, ce collectif mobilise la sociologie de l’énergie comme levier possible à la compréhension des enjeux, des usages et des pratiques de l’énergie.

MOTS CLÉS : économie d’énergie, culture, sens, diversité, précarité.


SLIME, un outil territorial d’identification des ménages en précarité énergétique.

Bouchra ZEROUAL (CLER, Réseau pour la transition énergétique)

Le CLER s’est appuyé sur l’étude « Analyse sociotechnique comparée des dispositifs de réduction des situations de précarité énergétique et construction de stratégies d’intervention ciblées » produite dans le cadre du programme PREBAT ADEME-PUCA pour déployer les SLIME, ou Services locaux d’intervention pour la maitrise de l’énergie. Le dispositif, destiné à massifier le repérage des ménages en précarité énergétique, est déployé dans vingt-quatre collectivités en France.
Un SLIME constitue un guichet unique local de prise en charge de toutes les situations de précarité énergétique, quel que soit le statut d’occupation des ménages. Il a vocation à :
• centraliser vers une plateforme unique (physique et/ou téléphonique) les signalements de ménages modestes qui rencontrent des difficultés liées à l’énergie dans leur logement
• réaliser un diagnostic sociotechnique au domicile du ménage pour comprendre la situation, installer des petits équipements d’économie d’énergie.
• encourager tous les acteurs du territoire à même de proposer aux ménages des solutions durables, à se connaître, à dialoguer, à s’organiser autour de cette plateforme, afin de pouvoir orienter les familles vers les pistes d’action les plus adaptées à leur situation.
Les premières estimations (basées sur 317 ménages et qui seront mises à jour début 2015) montrent que les ménages sont repérés aux deux tiers par les travailleurs sociaux, et orientés vers des solutions de travaux et une pléthore d’acteurs (domaine social, énergie, accompagnement budgétaire…).
En 2013 et 2014, près de 4000 visites ont été programmées chez des ménages en précarité énergétique, en 2015 ce sont 3000 ménages supplémentaires qui devraient bénéficier de ce dispositif.

MOTS CLÉS : Précarité énergétique, visite à domicile, organisation territoriale, identification des ménages, collectivités.


PERFORMANCES ÉNERGÉTIQUES EN MILIEU PROFESSIONNEL

 Étude  sociologique de l’acceptabilité de la flexibilité de la consommation électrique au sein de bâtiments de bureaux.

Anne-Cécile BAUD (VEOLIA / VERI)
Stéphane COUTURIER (VEOLIA / VERI)

Le concept des « réseaux intelligents » ou « smart grids » s’est développé dans un contexte où il faut faire face à la hausse constante de la demande en électricité, à des risques de pics élevés de consommation et aux impératifs de la transition énergétique (ex : diminution de l’emploi des combustibles fossiles, développement de l’intégration des énergies renouvelables intermittentes) qui complexifient la gestion de l’équilibre entre l’offre et la demande à l’échelle du réseau électrique.
En s’appuyant sur les technologies de l’information et des communications (TIC), les « smart grids » sont fondés sur l’idée d’un pilotage du réseau en temps réel (échanges de données bidirectionnelles entre consommateurs et producteurs) s’appuyant davantage sur la demande d’énergie (« flexibilité de la consommation électrique ») et sur des moyens de stockage pour réguler les besoins en électricité et non plus quasi exclusivement sur les capacités de production.
En réponse à un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) de l’ADEME , un consortium composé d’entreprises (Veolia, Alstom, Sagemcom), d’un établissement public à caractère industriel et commercial (CEA INES) et d’une école (Supelec) œuvrant dans le domaine de l’énergie, de l’environnement et des TIC s’est constitué, afin de développer et d’expérimenter un démonstrateur « smart grids » en région PACA (projet Réflexe pour REponse de FLEXibilité Electrique ).
Dans le cadre de ce démonstrateur de recherche, VERI (Veolia Recherche et Innovation) a testé la faisabilité technique et sociale de la mise en œuvre de la « flexibilité de la consommation électrique » liée à la production de chaud et de froid au sein de bâtiments de bureaux, remettant en cause de façon ponctuelle le niveau de confort thermique des occupants.
La question posée au sociologue était de déterminer ce qui était acceptable ou non en termes de mesures de « flexibilité de la consommation électrique » par les salariés. Il était donc essentiel de pouvoir confronter les occupants des bâtiments à ce type de procédé afin, d’une part, d’évaluer ses effets sur leur perception et leur satisfaction à l’égard du confort thermique et, d’autre part, afin de servir de cadre d’expérience pour recueillir les opinions des individus vis-à-vis de ce concept en construction. Le concept de « flexibilité de la consommation électrique » n’ayant pour le moment qu’une portée théorique et ne prenant sens que rattaché à un système (mécanismes de régulation du réseau électrique) et à des enjeux spécifiques (lutte contre le réchauffement climatique…), il s’agissait d’expliquer et de contextualiser ce procédé innovant vis-à-vis d’un groupe de salariés afin de pouvoir saisir et comprendre les ressorts et les critères de son appropriation.
Ce sont les résultats de cette étude construite à partir d’hypothèses à la fois techniques et sociologiques que nous vous proposons de restituer ici.

MOTS CLÉS : expérimentation, flexibilité électrique, smart grids, acceptabilité, perception du confort.


Efficacité énergétique des entreprises : quelles perceptions des salariés ?

Amélie COULBAUT-LAZZARINI (Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines)
Thibault DANTEUR (Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines)

Avec les objectifs européens et nationaux attenant à la transition énergétique, les entreprises mettent en place des politiques internes et externes visant à réduire leur empreinte énergétique (Laperche & Lefebvre, 2012). En somme, qu’il s’agisse d’une politique motivée par une volonté de réduction des coûts en interne ou d’un affichage externe visant à renforcer l’image de responsabilité sociale de l’organisation (Pluchart, 2013), la réduction de la consommation énergétique est de plus en plus au centre des préoccupations des entreprises. Pour autant, sont-elles également au cœur des préoccupations de leurs salariés ?
Sur la base du travail de terrain mené, depuis plusieurs années, dans le cadre de deux projets de recherche collaboratives (Coulbaut-Lazzarini & Némoz, 2013), nous nous proposons de nous interroger sur la perception, par les acteurs sociaux qui les constituent, de ces efforts de réduction de la consommation et de soutien au développement d’énergies plus renouvelables. Ces deux projets, bien que distincts, associent des acteurs industriels communs, et visent pour l’un à réduire et rationaliser la consommation énergétique d’un bâtiment du secteur tertiaire, et pour l’autre à développer une solution de recharge intelligente permettant de soutenir et de développer la mobilité électrique des salariés.
Ces deux projets (EPIT 2.0 et ECO2CHARGE), financés par divers partenaires institutionnels locaux et nationaux, incorporent à la fois des objectifs internes (maîtrise et/ou réduction de consommation, soutien à des mobilités alternatives, etc.) mais aussi externes (affichage d’une préoccupation environnementale, responsabilité sociale de l’entreprise, commercialisation d’un système de recharge, etc.). Nos données accumulées auprès des acteurs impliqués dans le développement de ces projets comme de ceux qui en sont les usagers finaux (Gutman & Glazer, 2009; Morel-Brochet & Ortar, 2014), nous permettent de saisir avec précision les perceptions (Knox, 1987) qu’ils se font de ces efforts en tant que salariés des entreprises concernées, mais aussi en tant que citoyens ou simples usagers répondant à des contraintes comme à des motivations particulières (Maresca & Dujin, 2014). Or, il est intéressant de se demander dans quelle mesure leurs analyses de ces politiques se rejoignent ou au s’opposent selon qu’ils se positionnent depuis l’un ou l’autre de ces points de vue. Peut-on ainsi distinguer deux points de vue véritablement différents ? Cette pluralité permet-elle une perception plus objective ou à l’inverse l’empêche-t-elle ? Observe-t-on des dissensions, des tensions entre les discours citoyens et salariés ? Autant d’interrogations qu’il nous plaira d’évoquer lors de notre communication et que nous analyserons sur la base d’une approche empirico-déductive laissant le plus largement possible place aux données issues de nos terrains et des méthodologies que nous y avons appliqué, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives.

MOTS CLÉS : sociologie, énergie, bâtiment, mobilité, environnement professionnel.


Des déplacements contraints par l’activité professionnelle. Le cas des professionnels mobiles.

Reinhard GRESSEL  (IFSTTAR – SPLOTT)

Les professionnels mobiles sont des actifs qui, pour exercer leur métier doivent se déplacer de façon autonome en dehors de leurs entreprises ou structures d’appartenance pour se rendre chez un « client » sur un site particulier où leur compétence et leur intervention est requise.
Les professionnels mobiles se distinguent d’une part des professionnels du transport dont le cœur de métier est la production de déplacement de personnes ou de biens et d’autre part de l’ensemble des actifs qui réalisent de simples trajets domicile – travail.
Les professionnels mobiles représentent environ un quart des actifs en France, une population qui a connu une croissance rapide même si elle semble stagner ces dernières années.
De statuts variables (indépendants, salariés, commerciaux, cadres, ingénieurs, techniciens, ouvriers) ils sont engagés dans une grande diversité de situations de travail qui vont des prestations de service, la vente, les soins à la personne, en passant par la maintenance, le dépannage, la réparation à l’installation et la réalisation de travaux.
Ils travaillent pour des services aux entreprises industrielles, commerciales et tertiaires, pour des services aux bailleurs et sociétés de gestion d’immeubles résidentiels, pour des services aux particuliers que ce soit dans l’habitat, ou que ce soit dans des services à la personne.
Sur la base de plusieurs enquêtes par entretiens et observations, cette communication vise à montrer que pour les professionnels mobiles l’activité de déplacement est certes une activité indispensable à l’exercice de leur métier, mais reste une activité secondaire par rapport à leur métier, souvent dévalorisée voire niée et qui, à ce titre est particulièrement difficile à atteindre par des appels à la sobriété énergétique.
En effet les professionnels mobiles rencontrent au cours de leurs déplacements de multiples aléas de la circulation (encombrements, difficultés de stationnements, etc.). Ces aléas peuvent considérablement perturber les conditions de leur activité professionnelle principale. Ils mettent alors en place diverses stratégies pour minimiser la portée de ces aléas dûs aux déplacements. Mais dans leur activité professionnelle principale ils rencontrent également des aléas consommatrices de temps. Ils ont alors tendance à en reporter la gestion sur l’activité secondaire non valorisée, le déplacement, ou se cumulent par conséquence un nombre considérable de contraintes.

MOTS CLÉS : Professionnel mobile, travail, déplacement professionnel, activité secondaire, aléas de la circulation.


Le rôle clé des occupants d’un bâtiment de travail économe en énergie.

Delphine LABBOUZ (Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense ; Elithis Groupe)

À l’heure actuelle, les économies d’énergie dans les bâtiments sont l’un des principaux moyens d’atteindre une société plus durable. Les entreprises doivent limiter l’impact environnemental de leurs activités.
Les avancées technologiques sont indispensables mais pas suffisantes. Il faut également accompagner les changements de modes de vie et de pratiques, grâce à la meilleure compréhension de leurs déterminants psychosociaux et organisationnels.
Notre étude vise à déterminer les facteurs qui influencent les comportements de protection de l’environnement au travail, dans un bâtiment à faible consommation énergétique. Il s’agit de comprendre quelles sont les perceptions des occupants, leur vécu, leur ressenti, dans le but d’améliorer leur confort et qualité de vie, tout en diminuant les consommations énergétiques.
L’analyse de contenu thématique de 22 entretiens semi-directifs a permis d’élaborer un questionnaire, proposé à 116 salariés. Environ 150 questions abordent les thèmes suivants : qualité perçue de l’espace de travail (confort visuel, thermique, acoustique, etc.), appropriation et attachement au lieu, perception de l’énergie, sentiment de contrôle, normes sociales, attitudes environnementales, comportements éco-responsables au domicile et au travail, perception de l’entreprise et sentiment de justice organisationnelle.
Les résultats qualitatifs et quantitatifs seront présentés et discutés. En résumé, les interviewés expriment le sentiment que la technologie rend l’appropriation du bâtiment plus difficile et complexe. Ils ont l’impression d’avoir peu de marges de manœuvre et de maîtrise personnelle sur les consommations d’énergie, au vu de l’importance de l’automatisation. Le sentiment de contrôle joue un rôle primordial sur la satisfaction et le bien-être au travail.
Les usagers ont manifesté un besoin de cohérence, à tous les niveaux, entre :
- les sphères privée et professionnelle ;
- les comportements des salariés et des membres de la hiérarchie, dans tous les domaines du développement durable (et pas seulement l’énergie) ;
- les comportements attendus des usagers et leurs marges d’action réelles ;
- les objectifs d’économies énergie et le confort.
Par ailleurs, les résultats mettent en avant certaines dimensions explicatives des comportements pro-environnementaux au travail, comme par exemple la qualité perçue de l’espace de travail, le sentiment de contrôle et de justice organisationnelle, les normes sociales, les attitudes et les comportements pro-environnementaux réalisés au domicile.
Ces résultats soulignent le rôle complémentaire des prédispositions personnelles et du contexte organisationnel. Les interventions visant à maîtriser l’énergie dans les bâtiments tertiaires doivent donc mettre en place des programmes d’actions ciblant ces deux domaines.
Enfin, l’utilisation de nouvelles technologies implique la nécessité de fournir des informations sur le fonctionnement du bâtiment et un réel accompagnement à l’entrée dans les locaux.

MOTS CLÉS : bâtiment tertiaire, comportements favorables à l’environnement, économies d’énergie, audit psychosocial, accompagnement du changement.


Coriolis à l’usage : un bâtiment performant en question.

Hélène SUBRÉMON (Saint-Gobain Recherche)

« Dans un labo de math, c’est bien connu. Une tasse de café, un théorème. Pas de café, pas de théorème. Ne pas avoir de microondes, c’est contraignant et on n’a pas l’impression que ce soit là l’enjeu ! »
La construction de bâtiments neufs est aujourd’hui soumise à une réglementation stricte et particulièrement portée sur la qualité thermique du bâti (Debizet, 2012). Cette réglementation a contribué à produire une véritable course aux labels (HQE, BBC, BEPOS, …) censés attester de la qualité environnementale et énergétique du projet. Ces labels deviennent, dès lors, autant des modes de certification qu’une manière pour les professionnels de la filière de valoriser, de communiquer, de promouvoir un bâtiment en mettant en avant, d’abord, sa performance technique et dans certains cas, aussi, sa prouesse architecturale.
Cette multiplication de nouveaux standards et ce marché de la norme technique interroge évidemment les sciences sociales quant aux logiques qui priment pour s’assurer la meilleure conformité aux exigences techniques. Elles interrogent également de leur performativité au regard des usages de leurs occupants. De quelle performance parle-t-on : réelle ou estimée ? Quelle endurance peut-on prêter à un bâtiment labélisé pour sa conception, mais pas pour son exploitation ?
Le cadre d’analyse de la sociologie des usages largement mobilisé pour comprendre les modalités d’appropriation de l’espace (Raymond et Haumont, 1966) est central et se réactualise désormais sous l’effet des enjeux de la transition énergétique (Renauld, 2013, Flamand et Roudil, 2013). D’autres travaux (Zelem et Beslay, 2014, Brisepierre, 2013) mobilisent une lecture sociotechnique et organisationnelle des professionnels et interrogent l’injonction à la performance technique au regard des logiques d’usages.
Pour contribuer à ces réflexions, nous avons choisi comme terrain d’enquête, le bâtiment Coriolis : bâtiment livré en 2012, situé à la Cité Descartes de Champs-sur-Marne. Il accueille des laboratoires de l’Ecole des Ponts et Chaussées, une école de Design et des salles de cours. Conçu par l’Atelier Roche, il répond à la RT 2020 en tant que Bâtiment à Energie Positive. Le bâtiment prétend satisfaire les standards les plus élevés dans le secteur par la prouesse technologique et architecturale.
Face à cette impressionnante communication institutionnelle, nous proposons une autre lecture : celle de l’appropriation d’un bâtiment qui, par sa technicité et une certaine rigidité, implique un apprentissage tant de la part de ses occupants que des exploitants eux-mêmes !

MOTS CLÉS : bâtiment performant, usages, BEPOS, apprentissages.


L’usager, acteur clé du concours Cube 2020.

Nathalie TIMORES  (Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche)

Les consommations réelles des sites tertiaires sont largement conditionnées par les pratiques et les comportements des usagers. C’est un ensemble complexe de représentations et d’usages. Les objectifs de performance énergétique sont élevés et toutes nos réflexions concernent directement nos modes de vie et nos pratiques professionnelles. Plusieurs leviers d’actions ont été déployés pour agir sur les pratiques et les comportements ; comme l’approche en coût global dans les pratiques d’achats et la mise en place d’outils de suivi des énergies et fluides
A l’issu de l’année de concours 2014 nous serons en mesure de transmettre nos baisses de consommations réelles et d’avoir un retour d’expérience pour poursuivre nos actions.
En participant à l’initiative Cube 2020, le ministère s’est inscrit dans un cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétique qui participe de l’exemplarité environnementale. Avec un portage fort des équipes de direction, chaque site inscrits au concours a développé des partenariats d’action, mis en œuvre des conférences-formations, communiqué avec chaque occupant et valorisé les résultats obtenus.
Les enjeux sont que chacun puisse trouver l’information qui lui est nécessaire pour agir sur ses consommations d’énergie, et que nos résultats positifs et très encourageants soient valoriser voir même déployés au sein de tous les services.

MOTS CLÉS : consommations, mesure, schémas organisationnels, usages.


Enquêtes d’observation de pratiques de consommation d’énergie.

Marguerite BONNIN (LAVUE ; CSTB)

Afin de combler le déficit existant sur la réalité des activités quotidiennes de consommation d’énergie au logement, nous avons réalisé une enquête concentrée sur le logement privé avec une approche ethnographique, c’est-à-dire en s’appuyant sur des données observées in situ (présence de cinq jours au logement de six ménages, du lever au coucher, avec relevé des gestes des habitants minute par minute, sans participation de l’enquêteur aux activités domestiques).
Ces observations, retranscrites sous forme de fiches (plan du logement, équipements utilisés, présence et position des membres du ménage, activité), permettent de lire l’articulation entre la consommation d’énergie et le capital matériel des ménages et révèlent le degré d’adéquation du logement aux activités des différents membres du ménage.
En passant en revue les différents domaines de consommation (éclairage, chauffage/aération, alimentation, hygiène, loisirs/travail), pour ces ménages, émerge la logique générale de leur rapport à l’énergie :
- Leur rapport aux factures, résultant d’un rapport à la consommation d’énergie utilitaire ou sous-informé
- Leur mode de vie (entre modernité et tradition), influe sur le temps de ménage, les pratiques liées à l’alimentation, les cas de mutualisation ou d’externalisation d’usage de l’énergie
- Les tactiques de consommation d’énergie qu’ils ont développé et qui leurs sont propres visent principalement à un gain de temps dans les deux moments clés de la journée, le matin et le soir, périodes de plus forte consommation d’énergie. En développant ces tactiques, ils réduisent ces consommations qui autrement seraient plus importantes.
- Les ressources et la position dans le cycle de vie de ce ménage déterminent aussi l’appropriation dont ils ont fait preuve et l’organisation de leur espace habité, visant à rendre leur logement confortable.
Grâce aux variables déterminantes des différents modes de consommation d’énergie alors mises en relief, elles permettent de comprendre que si la consommation d’énergie vient toujours en support de l’ l’expression d’une certaine identité habitante, elle permet avant tout la mise en place du confort spatial et de problématiques de l’intimité.
Ces conclusions permettent de saisir l’importance de la conception du plan architectural du logement, des pratiques habitantes qu’il suggère, qu’il permet, des pratiques qu’il impose aussi parfois, et des conséquences que les adéquations ou les inadéquations peuvent avoir sur les pratiques de consommation d’énergie. Les actions et réactions des habitants au fil de différentes étapes de leur cycle de vie, en fonction de leurs moyens, de leur capital résidentiel et d’équipements qu’ils ont à leur disposition permettent d’illustrer un panel de situations diverses.

MOTS CLÉS : copropriétés, pratiques, consommation d’énergie, observation ethnographique.


Le repas du soir et la pointe de consommation électrique en France : apports des enquêtes emploi du temps à la mise en relation entre pratique quotidienne et demande d’énergie.

Mathieu DURAND-DAUBIN (EDF/R&D)

Des dispositifs tarifaires et technologiques sont régulièrement développés pour inciter les consommateurs à déplacer leur demande d’électricité en dehors des périodes de pointe. Ces dispositifs sont évalués au travers de leur efficacité globale, masquant la diversité des pratiques quotidiennes sous-jacentes. Nous proposons d’étudier ces pratiques, afin de comprendre les significations et les contraintes qui s’y rattachent, et comment elles pourraient être modifiées.
Dans ce travail nous nous intéressons à la pointe quotidienne par une analyse quantitative des activités liées au repas du soir, qui joue un rôle central dans l’organisation du ménage et les consommations d’énergie. L’enjeu de l’étude est également méthodologique puisqu’il s’agit de tenir compte de la complexité des pratiques derrière les consommations d’énergie dans une approche quantitative.
Les différentes façons dont le repas est préparé et pris, ont été caractérisées à partir des enquêtes emploi du temps de l’INSEE: moment, participants, lieux, équipements. Puis les activités adjacentes à ces repas ont permis de préciser les contraintes temporelles et les significations associées à chaque type de repas. L’utilisation d’appareils dans le cadre de pratiques situées dans le temps nous renseigne sur leurs contributions respectives à la pointe de consommation, et nous permettent d’envisager les possibles transformations de ces pratiques et leurs conséquences, du fait des interventions tarifaires mais surtout d’évolutions sociales plus profondes.

MOTS CLÉS : pointe, électricité, repas, emploi du temps, consommation.


Recomposition des pratiques énergétiques dans les parcours de vie. Analyse en contexte de quartiers durables.

Ida KASDI (ID&S)
Taoufik SOUAMI (Institut Français d’Urbanisme ; École des Ponts ParisTech/LATTS)

Dans cet article, nous aborderons la transition énergétique à l’échelle des groupes sociaux locaux (individus, ménages, réseaux de voisinage …). Notre hypothèse est que le changement s’opère aussi par un ensemble de micro-transitions qui se jouent chez les individus à la fois consommateurs, habitants, usagers du local, membres de groupes sociaux de proximité… L’article s’appuie pour cela sur une investigation fine dans deux écoquartiers en France. L’analyse confirme l’absence d’un déterminisme matériel ou sociologique expliquant les comportements énergétiques qu’ils soient sobres ou pas. Les matériels qui sont produits en réduisant les marges de manouvre des habitants pour assurer par leur seul fonctionnement les transformations des empreintes énergétiques, ne parviennent à atteindre les objectifs. Les profils types proposés pour expliquer les comportements par les conditions socio-économiques des personnes sont peu éclairants.
Une lecture plus processuelle paraît plus pertinente et opératoire. Elle révèle que les pratiques des individus et des groupes de proximité sont recomposées en fonction des contextes, des configurations technico-spatiales mais aussi des parcours de vie, c’est-à-dire des expériences passées et des projets de vie des individus et des ménages. Un passé récent dans un appartement « passoir » va faire porter l’attention sur l’isolation. Une pratique familiale ancienne d’économie de l’électricité peut être réenclenchée à l’occasion de l’installation dans un logement adapté. Ainsi regardées, nous pouvons mieux interroger ce qui modifie les pratiques et guide leurs transformations. Dans cette configuration d’analyse, nous pouvons mieux comprendre comment les trajectoires de transformation s’insèrent ou pas dans une transition énergétique.
Deux ressorts encore peu considérés apparaissent significatifs. Les habitants prennent des initiatives qui débordent le cadre de l’offre locale pour trouver des matériels permettant d’organiser leur « économie » de l’énergie dans leur lieu de vie. Des collectifs se dessinent pour produire des repères communs dans la recomposition des pratiques voire pour en faire partiellement l’objet de l’action commune. Les micro-transitions par la composition des pratiques se construiraient aussi bien par les initiatives individuelles débordant l’offre institutionnelle que par les collectifs territorialisés.
MOTS CLÉS : pratiques, consommations, parcours de vie, transitions, écoquartiers

MOTS CLÉS : pratiques, consommations, parcours de vie, transitions, écoquartiers.


Une base capital social pour réduire la consommation d’énergie des ménages.

Thomas MACIAS (Université du Vermont)

L’objectif principal de ma recherche est de capturer le contexte social de la conservation d’ énergie est ceci grâce aux données obtenues lors de l’envoi d’une enquête sociale. Plus précisément, mon projet de recherche se conçoit en deux questions majeures. Premièrement, comment les liens sociaux entre les personnes dans les ménages et dans leur communauté affectent-ils leur disposition a la conservation de l’énergie? En second lieu, quels sont les comportements spécifiques a l’intérieur des ménages et dans les choix de transport
Les résultats sont très encourageants, sur les 600 enquêtes sociales envoyées en février 2014, j’ai obtenu un taux de réponse de 43 percent. Une analyse préliminaire montre que la population dans le canton de Chittenden dans l’état du Vermont aux Etats-Unis est clairement concernée par les questions de durabilité et les attitudes positives corrèlent avec leur niveau d’études, les orientations politiques et la confiance qu’ils octroient a leur gouvernement. Quant a nos mesures du capital social, la participation a des forums de quartier en ligne, il y a de fortes corrélations avec des pratiques durables tels que le recyclage, l’achat de l’agriculture locale et fait intéressant la conservation de l’eau grâce à la réduction temporelle de douches. Un autre résultat important montre que les fréquentes interactions entre amis étaient associe avec le soutien de reformes et la consommation de l’agriculture locale; de même que la participation aux réunions locales corrèlent avec le désir de réduire la conduite d’automobiles.
En somme, il semble y avoir des corrélations significatives dans l’enquête entre les mesures des réseaux sociaux axées sur le lieu et les mesures de préoccupation de l’environnement et des pratiques durables. Les reformes politiques qui favorisent les interactions sociales au niveau communautaire par le biais de forums en ligne, d’organisations de quartier ou de possibilités locales de faire du bénévolat peuvent s’avérer être aussi importante que de juguler la crise de l’environnement en promouvant l’amélioration de l’efficacité des ménages comme un marketing social.

MOTS CLÉS :consommation d’énergie, attitudes environnementales, capital social, recherche de l’enquête, pratiques durables.


Regard socio-anthropologique de la résistance des populations à l’adoption des énergies dites alternatives au Cameroun.

Edmond VII MBALLA ELANGA (Université de Douala)

La sécurité énergétique et la protection de l’environnement sont des préoccupations du gouvernement du Cameroun. A cet effet, le gouvernement a lancé des programmes visant à améliorer et à augmenter l’offre d’énergie par l’exploitation des sources d’énergies nouvelles et durables, dites alternatives, ceci en vue de protéger l’environnement tout en continuant à assurer aux populations l’accès à l’énergie. Cependant, certains de ces programmes ne sont pas toujours bien accueillis par les populations. La présente communication s’attellera donc à mettre en exergue les appréhensions des populations de certaines zones du Cameroun à adopter les énergies dites alternatives : la biomasse produit par les excréments humains et animaux.
L’utilisation des excréments humains ou animaux, pour la production de l’énergie, constitue une barrière psychologique pour nombre de population au Cameroun. En effet, les populations pensent que l’énergie produite par les excréments humains ou animaux peut contaminer les aliments. Pour ces populations, cette énergie est loin d’être une énergie propre, bien le contraire. Ces populations pensent que la promotion des énergies dites alternatives est de nature à déstructurer leurs modes de vie. Le feu de bois par exemple, joue un rôle central dans la vie des populations ; il ne sert donc pas seulement à faire cuire les aliments. Il charrie en effet un ensemble de pratiques et manières de vivre. Dans la zone forestière du grand Sud du Cameroun, l’utilisation du bois comme source d’énergie est une pratique ancestrale : « Nous avons toujours utilisé le bois comme source d’énergie, le bois est en abondance dans nos forets. On voudrait nous faire adopter les modes de consommation d’énergie qui vont continuer à enrichir les hommes de la ville», déclare un habitant du village Nkol-nsoh. Pour nombre de personnes interviewées, la fumée est un ingrédient de cuisine. Un met fait au feu de bois n’a pas la même saveur qu’un met fait au feu de gaz ou de biomasse.
Il se pose donc le problème de l’adoption des nouveaux modes de consommation d’énergie. Ceux-ci ne sont pas adaptés à l’environnement socioculturel des populations. L’adoption des modes de consommation d’énergie dite alternative est donc de nature à perturber les modes de vie des populations et un ensemble de représentations sociales que celles-ci ont de la société, de l’alimentation, de l’environnement, etc. La promotion des énergies alternatives, lorsqu’elle ne prend pas en compte des aspects autre que ceux liés à l’énergie, rencontre des résistances des populations, l’utilisation d’une source d’énergie étant, dans une certaine mesure, un fait social total.

MOTS CLÉS : regard socio-anthropologique, énergies alternatives, résistance des populations, Cameroun.


La transition énergétique au prisme des logiques d’action : diversité et dynamiques d’appropriation.

Cécile CARON (EDF/R&D/GRETS)
Isabelle MOUSSAOUI-GARABUAU (EDF/R&D/GRETS)
Magali PIERRE (EDF/R&D/GRETS)

De nombreux dispositifs techniques, projets pionniers et expérimentations se positionnent aujourd’hui comme contribuant à une transition énergétique. Ils se définissent comme des innovations, non seulement dans leurs développements techniques, mais également dans les incitations au « changement de comportement » qu’ils véhiculent. Cependant, les SHS montrent que cette transition énergétique n’advient pas de manière aussi unifiée et cohérente que les discours publics le souhaiteraient (Shove, 2010 ; Zelem, 2010 ) en raison des forces contradictoires des régimes et politiques publiques (Geels, 2014 ). Nous montrerons que ces ambivalences sont également dues à des formes et des degrés variés d’appropriation des dispositifs, ainsi qu’à leur pouvoir limité de modification des pratiques et des consommations d’énergie, inscrites dans des systèmes de consommation.
Au croisement de la sociologie de l’innovation (Gaglio, 2011 ), des pratiques sociales et de la consommation et des usages (Desjeux, 1996 , Henning, 2005 ), nous proposons de développer la notion de « logique d’action » pour comprendre la diversité des formes et des degrés d’appropriation. Ces logiques sont développées par des groupes sociaux (ménages, salariés, etc.) et relient entre elles différentes pratiques de la vie quotidienne, autour d’un projet de vie (une orientation, une aspiration), mis à l’épreuve de contraintes/ressources (économiques, matérielles, sociales, symboliques) et progressivement encastré dans des routines et des moments de réflexivité.
Nous appuyons notre analyse sur une ethnographie multi-sites et multi-secteurs : tarification dynamique dans le cadre de démonstrateurs smart grids dans le secteur résidentiel, projets de déploiement de véhicules électriques par des ménages pionniers, enquêtes dans des bâtiments tertiaires (bureaux et école) à haute performance énergétique. L’analyse comparée de ces terrains a permis de mettre en évidence les liens et les tensions entre les dispositifs tels qu’ils sont conçus et les pratiques sociales, notamment des mécanismes communs de diffraction de l’injonction au changement de comportement dans une diversité d’appropriation, d’implication dans les dispositifs et de figures de l’usager saisis au prisme des logiques d’action.

MOTS CLÉS : logique d’action, dynamique de consommation, véhicule électrique, tarifications dynamiques, bâtiments tertiaires performants.


Normes, émotions et pratiques sociales : réflexions conceptuelles et méthodologiques en vue d’une réduction de la consommation d’électricité par les ménages.

Béatrice BERTHO(Université de Lausanne/Faculté des géosciences et de l’environnement/groupe écologie industrielle)
Marlyne SAHAKIAN (Université de Lausanne/Faculté des géosciences et de l’environnement/groupe écologie industrielle)
Suren ERKMAN (Université de Lausanne/Faculté des géosciences et de l’environnement/groupe écologie industrielle)

Dans cet article, nous proposons de considérer la vie quotidienne de ménages à Lausanne et à Genève pour comprendre le lien entre la consommation d’électricité et les pratiques sociales. Nous parlerons de notre cadre conceptuel ainsi que de notre plan de recherche qui se focalise sur le défi important : celui d’appréhender les normes et valeurs associées à diverses pratiques sociales. Des normes et valeurs semblent converger de part le monde, en relation avec des notions de propreté par exemple (Shove 2003), ou de confort à l’intérieur des ménages (Shove, Chappells et al. 2008; Sahakian 2014). Les normes sur les températures intérieures ont beaucoup changé ces dernières décennies, d’environ dix degrés en France par exemple (voir Dreyfus 1990). Néanmoins, il y a peu de discussions publiques autour de la question suivante : comment nos espaces peuvent devenir moins dépendants de la climatisation ou du chauffage artificiel par exemple (Cool Biz au japon reste un cas intéressant, voir Shove, Pantzar et al. 2012). Wilk propose que les lois sociales puissent être débattues dans un discours public qui servirait à contester ou à renforcer la norme. Nous ne savons pas encore comment ces formes de contestation peuvent casser des pratiques non-soutenables existantes mais proposons de mieux théoriser le lien entre pratiques sociales et normes et valeurs qui tendent à des modes de consommation plus durables – un constat que nous avons déjà commencé à étudier ailleurs (Sahakian and Wilhite 2014). Dans cet exposé, nous parlerons de l’importance des normes et des valeurs en théorie et en pratique, avec quelques suggestions sur la manière dont les normes peuvent être appréhendées par la recherche empirique. Nous mentionnons les limites de certaines méthodes qui semblent valider le décalage entre les valeurs et les actions pro-environnementales (Blake 1999, Kollmuss and Agyeman 2002; Shove 2010) car les attitudes et les perceptions ne reflètent que peu les comportements actuels des personnes (Barr and Prillwitz in Fahy and Rau 2013). Par une approche des pratiques sociales, nous proposons des méthodes ethnographiques, basées sur des entretiens en profondeur et des observations, ainsi qu’une vision de la consommation d’électricité comme faisant partie des pratiques sociales. Le défi de distinguer les normes et valeurs explicites de celles qui sont implicites sera aussi discuté.

MOTS CLÉS : théorie des pratiques sociales, ménages, Suisse, électricité, normes, valeurs.


Habitat participatif : changer les rôles ?

Lidewij TUMMERS (Université de Technologie/Faculté d’Architecture et de construction de l’environnement)

On observe une ré-émergence du logement coopératif ou habitat participatif en Europe. Le développement de l’habitat participatif attire l’attention par son modèle innovant de logement, l’utilisation de matériaux écologiques et des énergies renouvelables. Les habitants renouvellent la conception non seulement de l’impact environnemental, mais aussi de la gestion du logement, des rapports à la propriété et au vivre-ensemble.
L’habitat participatif constitue pour les ménages une transition entre être consommateurs et devenir producteurs de services, soins, énergie, etc. Malgré l’intérêt général, jusqu’à présent, la contribution réelle du mouvement de l’habitat participatif à la production de logement et sa pertinence dans la transition énergétique, n’ont pas été établis.
Un deuxième changement de rôles, qui pourrait trouver sa place dans l’habitat participatif, est la rupture avec les stéréotypes de genre. Certaines études concluent que ceci explique l’intérêt majoritaire des femmes. D’autres chercheurs signalent l’avantage de partager les tâches domestiques. Mais là encore, le fait que habitat participatif soit un modèle émancipatoire n’a pas été établi.
A partir d’enquêtes de terrain réalisées au Pays Bas, en France, en Allemagne et en Espagne, ainsi que d’expériences dans d’autres pays européens, notre proposition croise les orientations écologiques avec la dynamique de genre. La proposition explore ce lien direct qui existe par exemple dans la conception, la gestion et l’entretien des composants techniques dans les projets. La contribution considère aussi les mécanismes indirects qui ne favorisent pas l’habitat participatif, comme par exemple les modèles de calcul qui se basent sur des modèles standardisés de logement et d’usage, dans lesquels l’habitat participatif n’entre pas. De la même manière, les concepts de haute performance énergétique, comme l’habitat passif, représentent une orientation plutôt technique et peuvent être critiqués pour ignorer les cultures d’usage, y compris les stéréotypes genres.

MOTS CLÉS : habitat participatif, énergies renouvelables, transition énergétique, ville partagée.


HABITER UN BÂTIMENT PERFORMANT (USAGES)

Les conditions sociales et organisationnelles d’une performance énergétique in vivo dans les bâtiments neufs.

Gaëtan BRISEPIERRE (Sociologue indépendant/ GBS)

Dans le secteur du bâtiment, les pouvoirs publics ont choisi de généraliser les bâtiments basse-consommations (BBC) via une réglementation dans la construction neuve (RT2012). Cette politique repose sur l’hypothèse que l’efficacité technique poussée à son paroxysme suffira pour générer une baisse substantielle des consommations d’énergie. Or les premiers retours d’expérience ont montré l’existence de « surconsommations » dans ce type de bâtiment et certains discours experts laissent entendre que la responsabilité en incombe aux habitants qui n’adopteraient pas les « bons comportements ».
Cette communication vise à poser les bases d’une approche sociologique de la performance énergétique, dite in vivo, c’est-à-dire qui tienne compte des pratiques des acteurs en situation et pas seulement de calculs théoriques (in vitro). Elle repose sur trois enquêtes de terrain réalisées sur des bâtiments « prototypes » expérimentant différentes normes de performance (BBC, passif, positif) pour plusieurs types de bâtiment (collectif, individuel, tertiaire). Ces prototypes ont préfiguré de quelques années l’arrivée de la réglementation ce qui permet de disposer des mesures de consommation et du vécu des acteurs. L’approche sociologique consiste à confronter les choix des concepteurs, avec l’observation des usages des occupants et des modes de gestion et d’exploitation.
Nous commencerons par revenir brièvement sur les différentes étapes de la production de ces BBC pionniers, ce qui permettra d’expliciter la spécificité de ces terrains. Puis nous présenterons les profils des occupants afin de faire apparaitre la diversité de leurs attitudes vis-à-vis des technologies du BBC. Ensuite nous analyserons en détail les pratiques liées aux différents postes de consommation d’énergie (chauffage, confort d’été, eau chaude, électricité spécifique) en rapport avec les choix techniques des concepteurs. Ces observations mettent en lumière les décalages avec les hypothèses initiales mais aussi les tactiques inventées par les habitants, pour gérer à la fois le confort et la consommation (effet rebond).
Enfin, nous montrerons que les marges de manœuvre de réduction des écarts à la performance et amélioration de la qualité de vie, ne sont pas accessibles par une seule sensibilisation aux « bons gestes ». Elles se situent dans de nouvelles formes de gouvernance des bâtiments qui incitent à la participation des occupants avec la coopération des professionnels. L’accompagnement minimal à la livraison est complété par une dynamique d’expérimentation partagée. La cogestion informelle du chauffage collectif avec les habitants permet de trouver une température d’équilibre et d’optimiser la maintenance aussi bien en termes de coût que de qualité. Le partage des données de consommation peut alimenter une dynamique de réflexivité énergétique à condition d’éviter ses écueils.

MOTS CLÉS : bâtiment, performance énergétique, BBC, usages, accompagnement.


Vivre dans des logements labellisés BBC-Effinergie® : une analyse socio-éco-technique.

Jean CARASSUS (École des Ponts ParisTech)
Chantal LAUMONIER (sociologue indépendante)
Bernard SESOLIS (Tribu Energie)
Damien JANVIER (Tribu Energie)
Rémi WRONA (Tribu Energie)

Cette étude analyse de façon qualitative 6 résidences parmi les premières labélisées BBC. L’analyse a été réalisée en croisant trois dimensions :
- Sociologique : interviews approfondies de 3 ménages dans chacune des 6 résidences
- Économique : étude des coûts d’investissement et d’utilisation
- Technique : analyse des choix techniques, calcul des consommations conventionnelles, mesures des consommations réelles et du confort, rapprochements des deux.
Ces résidences ne présentent aucun dysfonctionnement significatif.
Des dispersions importantes ont été décelées. Les consommations réelles peuvent être supérieures ou inférieures aux conventions BBC. Certaines consommations tous usages sont inférieures à celles qu’exige le label allemand PassivHaus
Les consommations n’atteignant pas la convention BBC restent néanmoins très économes.
Un nombre important de ménages ont des consommations supérieures aux conventions BBC, parfois pour des raisons techniques mais le plus souvent pour des raisons comportementales. Avec un calcul de consommation par personne au lieu de consommation par m², les résultats s’inversent.
Les mesures de températures et d’hygrométrie en été montrent que la majorité des opérations offrent un confort satisfaisant. Cependant, les professionnels doivent veiller particulièrement dans le Sud de la France au confort d’été, en ce qui concerne l’immeuble et le conseil aux habitants.
Après une période d’« apprentissage », la maîtrise des coûts d’investissement s’est améliorée grâce à des choix technico-économiques mieux équilibrés.
Le choix des solutions doit se porter prioritairement vers des techniques simples et robustes.
Six principaux facteurs comportementaux déterminent les consommations : le nombre de personnes, la durée d’occupation, le niveau d’équipement électro-ménager et informatique, le choix de la température, les habitudes d’aération, la maîtrise des équipements de chauffage et de ventilation.
Les ressentis sont globalement bons. Les occupants peuvent être classés en trois catégories : ceux qui connaissent le BBC et tentent de l’optimiser, ceux qui ne connaissent pas bien le BBC et l’utilisent comme un logement usuel et ceux qui pratiquent « l’effet rebond » en augmentant leur confort à moindre coût.
Les professionnels sous-estiment l’importance de l’information et de l’apprentissage des occupants.

MOTS CLÉS : consommations réelles, confort réel, écarts réel/conventionnel, vécus et comportements, impacts des occupants sur les performances.


Évolution des pratiques de consommation énergétique des locataires de logements sociaux récemment réhabilités dans la Région Nord-Pas-de-Calais.

Maya LECLERCQ (AnthropoLinks)

Dans le cadre d’un projet réalisé pour des bailleurs sociaux de la région Nord-Pas-de-Calais, notre équipe est chargée de mener une enquête sociologique auprès d’une centaine de ménages dont le logement a été récemment réhabilité énergétiquement. L’enquête sociologique auprès des locataires consiste à recueillir par des entretiens un ensemble d’informations quantitatives et qualitatives sur leur usage des logements, en étroite relation avec la campagne de mesures ou avec les constats issus de l’analyse des charges.
L’enquête et l’analyse sont en cours, mais les premiers résultats montrent quelques tendances nettement marquées : si la plupart des locataires nous expliquent avoir spontanément adopté des pratiques réduisant leur consommation énergétique afin de réduire leurs dépenses au cours des dernières années, très peu ont adopté de nouvelles pratiques suite à la réhabilitation de leur logement (ITE, changement des menuiseries et parfois du mode de chauffage). L’analyse des charges montre ainsi que les réductions de charges facturées aux locataires liées à la consommation énergétique sont en dessous des résultats escomptés lors des estimations avant travaux. Ce premier résultat pose notamment la question de l’accompagnement des locataires et de la sensibilisation lors des travaux de réhabilitation énergétique.

MOTS CLÉS : énergie, précarité, consommation, MDE, analyse des charges.


Habiter une maison « performante » énergétiquement : vers la construction d’une « expertise habitante » ? Choix et appropriations d’innovations techniques en regard des modes de vie.

Marie MANGOLD (Université de Strasbourg/SAGE)

Le logement « durable », tel qu’il prend forme à travers les programmes immobiliers actuels, témoigne d’une intégration socio-politique d’enjeux énergétiques traduits dans la production de réglementations thermiques et une injonction à la sobriété énergétique des bâtiments. Devenus de réels arguments de vente ou d’investissement, ces critères de performance irriguent une offre de logements « éco-performants » par les constructeurs et architectes, en regard de laquelle les habitants sont amenés à réaliser des choix entre différentes innovations techniques formant un ensemble complexe produit au sein d’« espaces de normalisation technique » (Cauchard, 2013). Un « apprentissage à « bien habiter » son logement » (Roudil, 2014), à inscrire au sein d’un « néo-hygiénisme » (Tozzi, 2013), impacte alors directement l’habitant dans la relation à son logement, en contradiction avec l’intimité du « chez-soi ». Les habitants ne sont plus incités à une attitude « passive » (Zélem, 2010) dans leur rapport à l’énergie, et dépassant le transfert de savoirs technocentrés produits par les experts, ils s’approprient de manière différenciée les innovations techniques, en lien avec leurs représentations (ex : autorégulation de l’air vs. air extérieur « sain »). Ils mettent ainsi en pratique leur propre « savoir habiter ». Nous présenterons d’abord un cadrage des évolutions du secteur de la construction résidentielle en lien avec la performance énergétique du bâti, et l’offre d’innovations techniques proposée aux habitants. Puis, nous focaliserons dans une seconde partie sur les appropriations de ces innovations, pour conclure sur les choix d’habitat selon différents registres de justification, dont la performance énergétique ne constitue qu’un élément. Nous nous appuierons sur notre enquête de terrain en cours, d’ordre qualitative, retenant pour terrain l’Alsace et fondée sur différents types de matériaux : de nombreuses observations participantes, documentation sur les projets immobiliers, ainsi que cinquante-six entretiens dont douze avec des constructeurs et quinze entretiens approfondis avec des acquéreurs de logements « éco-construits ».

MOTS CLÉS : innovation technique, performance énergétique, logement durable, modes de vie, processus de normalisation.


L’occupant au cœur de la pérennité de la performance énergétique des bâtiments.

Lauranne MARCEL (Cerema)
Bruno SABATIER (Cerema)

PREBAT est un important programme national finançant diverses opérations économe en énergie, dont le Cerema évalue les performances énergétiques. En complément de campagnes de mesures (relevés de données), un questionnaire a été élaboré, passé aux occupants et traité, pour que la connaissance de l’usage des bâtiments économes en énergie d’une part facilite l’interprétation des données sur les performances techniques des bâtiments et des équipements (chauffage, production d’énergie, ventilation) ; et d’autre part permette de proposer des améliorations (conception, relation avec les artisans, la pédagogie d’usage).
Ces entretiens avec des occupants de bâtiments économes en énergie ont mis en évidence le fait que bien souvent les conditions d’occupation diffèrent sensiblement de ce qui était prévu lors de la conception : températures de consignes, gestion du confort d’été, entretien des équipements, etc.
Nous avons alors conduit des entretiens plus approfondis avec les occupants, questionnaires qualitatifs à l’appui, afin de comprendre les différents freins et vecteurs de bonnes pratiques permettant d’obtenir et maintenir dans le temps les meilleures performances possibles du bâtiment. Nous en avons tiré des enseignements permettant de prendre en compte l’usage dès la phase de conception, afin que le bâtiment soit mieux adapté aux occupants. Il en ressort plusieurs exigences, notamment trouver des solutions à la difficulté de prise en main des équipements techniques, faciliter la maintenance (aussi bien pour l’occupant que le propriétaire) ou encore développer une pédagogie concernant la gestion quotidienne des ouvertures.

MOTS CLÉS : performance énergétique, qualité d’usage, occupant, confort, bâtiment.


Enquête et définition de profils comportementaux de la consommation d’énergie des ménages dans les maisons urbaines wallonnes.

Stéphane MONFILS (Université de Liège, Belgique)
Jean-Marie HAUGLUSTAINE (Université de Liège, Belgique)

Parmi d’autres réglementations, la politique européenne visant la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre a imposé, dans sa Directive 2002/91/CE, la certification de tout bâtiment vendu ou loué, témoignant de sa consommation d’énergie et de sa performance. Ce Certificat PEB, calculé par une approche standardisée qui extrait délibérément (de manière compréhensible) le facteur humain des équations, vise à influencer le marché de l’immobilier en introduisant l’efficacité énergétique comme critère de décision dans la recherche d’un logement et en incitant aux investissements économiseurs d’énergie.
Cependant, afin d’atteindre ces objectifs, le facteur humain devient crucial : d’un côté, les solutions efficaces (en ce qui concerne le transport, la consommation d’énergie dans les bâtiments, la gestion de l’eau et des déchets…) doivent être mises en œuvre par une autorité décisionnaire intelligente qui comprend la complexité du contexte urbain et son impact sur l’environnement. D’un autre côté, ces solutions ne pourront être efficaces que si les utilisateurs sont conscients de leur consommation d’énergie et de leur impact sur l’environnement. Dans ce contexte, les résultats du certificat sous leur forme actuelle n’aident pas à conscientiser le public : souvent distants de la réalité, surestimant la consommation, ils sont généralement incompris et le document, mal ou non exploité.
Cette étude vise l’analyse des comportements liés à la consommation d’énergie résidentielle dans les ménages wallons, en vue de définir un certain nombre de profils comportementaux qui seront intégrés à la méthode de calcul réglementaire. Plus précisément, la population cible est composée de propriétaires de maisons urbains wallonnes dont la performance énergétique a été analysée par une méthode de calcul théorique tel que celle utilisée pour établir le certificat, afin de permettre l’analyse des données et la comparaison des résultats avec la consommation réelle.
L’objectif de cette étude est la création d’un certificat « sur mesure » complémentaire, la collection de données sur la consommation d’énergie du parc de logements existants, ou encore la création de bases de données fondamentales pour la mise en place de stratégies au niveau urbain, régional ou national.

MOTS CLÉS : enquête, comportement, consommation, énergie, certification.


Habiter un logement performant : à (en) quoi l’habitant doit-il s’adapter ? Cas d’études à Lyon-Confluence et Greenwich Millennium Village.

Ludovic MORAND (EHESS Marseille/Centre Norbert Elias)

Dans cette communication, nous souhaiterions présenter des résultats issus d’une recherche doctorale en cours sur les rapports que des habitants de quartiers durables, en France et en Angleterre, entretiennent avec ces espaces. Nous souhaiterions notamment éclairer certains aspects du rapport au logement et à l’énergie qui s’établit entre ces habitants et des bâtiments conçus pour être performants énergétiquement.
Le bâtiment performant tend à s’imposer comme une « innovation de rupture ». A ce titre, il crée inévitablement des difficultés d’appropriation qui amoindrissent autant ses performances qu’elles stimulent une intense mobilisation des sciences sociales pour tenter d’y apporter des réponses, si ce n’est des solutions.
L’impact accru que les usages ont sur les consommations dans un logement performant, jumelé aux objectifs du « facteur 4 », génère des attentes sans précédent de la part des institutions envers les usagers. A différents égards, nombre d’études engagées sur ce terrain traduisent dans leurs analyses le poids de ces attentes, en reprenant à leur compte un type de problématisation centré sur des objectifs généraux en termes de performance et de niveau de consommation.
Dans cette perspective, leurs résultats permettent de rendre compte finement des « décalages » ou des « écarts » par rapport à une norme définie en amont, qu’il s’agisse de la mise en évidence des freins et des leviers du changement, de l’évaluation de l’ « acceptabilité sociale », ou encore des phénomènes de résistances, scepticisme et détournements d’usage qui jalonnent l’itinéraire social d’une innovation. En contrepartie, la focalisation sur ce non-alignement prévisible entre des pratiques et des objectifs orientés par des logiques différentes distille une représentation du rapport au logement performant de nature conflictuelle, de l’ordre de l’inadaptation.
Sur la base de nos propres observations, nous souhaiterions montrer en quoi ce postulat de l’inadaptation apparait surévalué si on replace l’expérience de l’usager dans une économie plus large de l’habiter. En s’attachant moins au rapport à des dispositifs ciblés (ventilation double-flux, plancher chauffant, etc.) et davantage aux modes de vie qui s’y déploient, l’analyse montre que cette représentation prévaut avant tout si on la rapporte aux objectifs précités. En dehors des cas de dysfonctionnements techniques, dus en particulier à des phases de rodage ou à des malfaçons, le niveau de confort des logements est en effet globalement évalué de façon très positive. Les « contraintes » associées au bâtiment performant passent pour l’essentiel inaperçues ou se traduisent plutôt comme des préconisations. En contrepoint, on assiste à un phénomène d’inversion paradoxal entre niveau de sensibilisation et pratiques. Alors que le contexte « quartier durable » accroît la perception des enjeux environnementaux par les habitants, l’autonomisation des systèmes techniques et la faiblesse des consommations invitent à un relâchement de la vigilance envers leurs consommations. On assiste alors à un transfert de la responsabilité individuelle vers la technique, là où la raison technicienne chercherait au contraire à la renforcer.

MOTS CLÉS : quartiers durables, modes de vie, appropriation, bâtiment performant, usages.


L’habitat performant énergétiquement face aux savoir-faire et savoir-vivre en usage : le risque de contre-productivité des innovations techniques environnementales.

Vincent RENAULD-GIARD (CTSB ; CEC)

La tentative actuelle de généralisation de l’habitat performant énergétiquement, imposée par les réglementations thermiques et encouragée par la fiscalité verte, implique des transformations techniques majeures dans le monde de la construction. Ces transformations concernent aussi bien l’enveloppe du bâtiment (isolation par l’extérieur, étanchéité à l’air, ventilation double-flux, etc.), les systèmes de chauffage (ECS Solaire), voire le développement d’éco-techniques dans les logements (sols écologiques, interrupteurs coupeurs de veille, etc.). Or un écueil majeur est apparu dans cette dynamique : certaines de ces évolutions technologiques, soutenues idéologiquement par le monde de l’ingénierie environnementale, nécessitent des pratiques professionnelles et habitantes largement décalées des savoir-faire et savoir-vivre en usage.
C’est la raison pour laquelle des enquêtes de terrain font état d’une myriade de problèmes d’usage, que ce soit dans les phases de mise en œuvre, de maintenance ou d’appropriation par les habitants. Ces problèmes ont comme principale conséquence de multiplier les dysfonctionnements techniques, et par là même de contredire les promesses initiales des dispositifs, à la fois en matière d’efficacité énergétique et de pertinence économique. C’est la raison pour laquelle les innovations techniques environnementales, passé un certain seuil de décalage avec les pratiques sociales en usage, non seulement reproduiraient ce que le philosophe Stigler appelle la « prolétarisation des savoirs », mais se révèleraient aussi « contre-productive » au regard des intentions initiales affichées par ses promoteurs.

MOTS CLÉS : bâtiment vert, innovation technique, usages, savoirs, contre-productivité.


Les premiers pas des bâtiments à énergie positive dans le logement social. Retour d’expérience sur la réception des logements par les locataires.

Thibault VACHER (Université de Toulouse Jean Jaurès / CERTOP)

La société française s’est développée selon un modèle énergivore notamment à travers ses modes de déplacement, d’habitat et de consommation. Face à la menace des changements climatiques, la réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) est une des priorités de l’action publique. Un objectif de réduction des émissions de GES a été défini par le récent projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Il s’agit de les réduire de 40% d’ici 2030. Atteindre cet objectif passe en partie par une réduction des consommations d’énergie. Dans cette optique et avec 43% de l’énergie finale consommée, le secteur du bâtiment apparaît comme une priorité pour réaliser des économies d’énergie.
Depuis le 1er janvier 2013, la réglementation thermique 2012 (RT 2012) s’impose comme un des instruments des politiques publiques d’efficacité énergétique. Les constructions neuves doivent être « basse consommation » (BBC) et respecter des obligations réglementaires liées à leurs performances énergétiques. A partir de 2020, un nouvel instrument réglementaire (RT 2020) imposera que toutes les constructions neuves soient à énergie positive (BEPOS), c’est à dire que les bâtiments soient censés produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment.
Dans le secteur du logement social, les enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux liés à la consommation d’énergie ont conduit les bailleurs à s’engager massivement dans des projets de construction de logements BBC et parfois BEPOS. Cependant, ces nouveaux logements atteignent rarement les niveaux de performance énergétique escomptés. Les consommations d’énergie en situation d’usage sont régulièrement plus importantes que les exigences réglementaires. Les comportements des ménages sont mis en cause pour expliquer les surconsommations mesurées. Face à cette hypothèse, les bailleurs sociaux ont recours à des dispositifs d’accompagnement. Il s’agit d’opérations qui ambitionnent de changer les comportements de consommation d’énergie en informant, sensibilisant et en incitant les ménages dans une optique de réduction des consommations d’énergie et de maîtrise des charges.
Cette proposition de communication s’inscrit dans le cadre d’une thèse qui s’appuie notamment sur deux terrains situés en région Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Il s’agit de deux opérations de constructions neuves de logements sociaux à énergie positive, lauréates d’appels à projets régionaux. Au total, 57 logements, individuels et collectifs, ont été livrés au 4ème trimestre 2013. Quelques mois après l’arrivée des premiers locataires, nous avons réalisé une enquête sociologique basée sur des observations et des entretiens semi-directifs. Nous nous sommes rendus au domicile d’une trentaine de ménages et notre méthodologie prévoit de les rencontrer à nouveau au bout d’un an d’occupation.
Il s’agit donc de proposer un retour d’expérience sur la réception de ces logements par les ménages. Nous nous appuierons notamment sur les ressentis, perceptions et représentations des locataires et nous montrerons les décalages qui s’opèrent entre les effets d’annonces émanant des bailleurs sociaux et la réalité vécue par les locataires.

MOTS CLÉS : Réglementation thermique, bâtiment à énergie positive, logement social, consommation d’énergie, dispositif d’accompagnement.


INNOVATION ET PROCESSUS CONSTRUCTIF

Retour d’usage sur la conception de bâtiments basse consommation.

Lauréna CAZEAUX (Abor&sens ; éco-BET)
Marine MORAIN (Abor&sens ; éco-BET)
Gilles DESEVEDAVY (Abor&sens ; éco-BET)

Sur la base des retours d’expérience des projets de l’agence et de l’environnement scientifique sur le sujet, à rebours des instrumentations et mesures, nous avons développé un retour terrain en lien avec notre pratique d’architecte et d’ingénieur. Le choix d’une telle approche repose sur le besoin d’observer, in situ, la vie qui s’organise dans des bâtiments dont la forme et la matière sont issues des ateliers d’architectes et des bureaux d’études.
La rencontre avec les habitants, sur le terrain est le point de départ de nos travaux, menés sur des logements sociaux basse consommation issus de la production de l’agence. La méthode employée pour la recherche repose, en parallèle, sur le développement de modélisations thermiques dynamiques du bâtiment. L’aller-retour entre deux disciplines, habituellement distinctes, nous a permis de conclure à une déconnexion entre les hypothèses de comportement retenues lors de la conception des logements et les conditions réelles d’occupation.
En particulier, les contraintes non thermiques (donc non prises en compte dans les études thermiques) pesant sur les occupants s’avèrent déterminantes pour la manipulation des ouvrants et la gestion du confort d’été. Lorsque dans des logements basse consommation, l’ensemble des ménages rencontrés a opté pour l’achat d’une climatisation portative pour supporter la chaleur de l’été, les efforts menés pour solariser le bâtiment et gagner des apports solaires en masse l’hiver semblent vains.
Améliorer la pratique et le résultat passe par une reprise en main de la technique par l’architecte et sa juste utilisation, pondérée, et efficiente au lieu d’être efficace. Le concept d’architecture Soft-Tech, est né de cette remise en question. Sans identifier de solution miracle, il s’agit d’aller vers une technique non traumatisante pour l’occupant et un bâtiment sans notice ; c’est à dire que la complexité y serait simple à gérer, et intuitive. Tout cela pour éviter de transformer les occupants en super-techniciens et pour adapter le bâtiment à la vie, surtout dans le logement le lieu de l’intime.

MOTS CLÉS : modélisation, confort thermique, enquête, Soft-Tech, logement.


Leader énergétique et processus d’innovation en copropriété.

Stéphane CHEVRIER (MANA ; Université Rennes 2/CIAPHS ; ENSAB ; IAUR)

Cette contribution se donne pour projet de rendre compte d’un processus d’innovation en copropriété. Nous avons suivi, en mobilisant des techniques d’enquête ethnographique et le cadre d’analyse de la théorie de l’acteur-réseau (Actor-Network Theory), deux copropriétés des années 60-70, situées à Rennes. Les conseils syndicaux de ces copropriétés étudient la possibilité de vendre des droits à construire afin de créer une surélévation sur le toit-terrasse de leurs bâtiments, dans le but de requalifier le bâti existant et de financer d’ambitieux travaux d’amélioration énergétique. Cette réflexion est issue d’une recherche, financée par l’Agence Nationale de l’Habitat, réalisée dans le cadre du programme de recherche amélioration énergétique en copropriétés, piloté par le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA).
Il s’agit pour nous, d’une part, d’analyser le rôle des leaders énergétiques dans un processus d’intéressement marqué, à la différence des agglomérations de Grenoble ou de Lyon, par la faible présence de la collectivité locale. Il s’agit, d’autre part, d’observer la formation, d’étudier la composition et de suivre la trajectoire des objets intermédiaires et des objets-frontière (diaporama, cahier des charges, newsletter, plan, maquette, etc.) qui participent, au dialogue entre mondes sociaux et communautés de pratiques, à la constitution d’un collectif sociotechnique, à la réalisation d’un projet.
La qualité et l’introduction opportune de ces objets dans le processus d’innovation participent à la construction de la confiance et au succès d’un projet. Quel rôle les leaders énergétiques jouent-ils dans la production de ces objets et dans le management de l’innovation ? Quels alliés doivent-ils mobiliser ?
La copropriété comme réalité technique et juridique doit elle-même être envisagée comme un objet-frontière à l’articulation de mondes et de communautés de pratiques hétérogènes (acteurs de l’énergie, du bâtiment, de l’urbanisme, de l’immobilier). Mais la copropriété comme réalité sociologique est-elle véritablement une communauté de pratiques ? N’est-ce pas la dynamique même du projet, à travers les controverses et les épreuves, à travers la production de ces objets, qui la conduisent progressivement à émerger en tant que communauté ? Le succès du projet serait ainsi indissociable de la formation d’une communauté qui permettrait de faire exister le syndicat de copropriétaires au-delà de sa seule dimension juridique.

MOTS CLÉS : copropriété, innovation, réhabilitation, leader énergétique, objet frontière.


Habitat écoresponsable et communication engageante : quelle alliance possible ?

Emmanuel DELAITE (Université de Franche-Comté ; Université d’Aix-Marseille/IRSIC)

Notre recherche veut démontrer que l’habitat durable est un laboratoire d’expérimentations et d’innovations en faveur du développement durable. En ce sens, il est un accélérateur de solutions et un moteur de changements, dans la mesure où il est un espace privilégié où peuvent se concrétiser les enjeux de la transition énergétique. L’habitat et les habitants qui y sont associés ont des réponses à apporter en terme de transformations sociétales. L’habitat est un moyen d’engager toute une chaîne d’acteurs qui peuvent apporter leurs expertises complémentaires. Il s’agit de faire travailler ensemble architectes, ingénieurs du bâtiment, ouvriers, étudiants et les futurs habitants grâce au dispositif de communication engageante au sujet de l’écoconception et de l’écocitoyenneté. L’idée est de les faire coopérer de manière transversale, en réseau, et de développer une logique partenariale forte. L’habitat durable pose question : de quelle manière souhaitons-nous vivre dans notre habitat responsable et autour de celui-ci ? Nous considérons que l’habitant est en relation étroite avec son habitat étant donné qu’il s’agit de son lieu de vie, d’un espace où le citoyen a la possibilité d’adopter des comportements alternatifs et les bonnes pratiques lui permettant de s’épanouir et de vivre dans les meilleures conditions possibles. En effet, en dehors de leur lieu de travail, l’habitat est l’espace dans lequel les êtres humains passent la plupart de leur temps. Cet espace privé n’est pas suffisamment étudié, pensé, réfléchi pour assurer aux habitants une optimisation de leurs conditions de vie et leur permettre d’apporter des réponses pro-environnementales qui les impliquent directement; il est très souvent construit en oubliant les rapports au temps et à l’espace extérieur dans lequel il s’inscrit. Les interdépendances entre habitat responsable et environnement urbain durable sont posées très clairement dans cette contribution pour développer de nouvelles formules d’action écologiques systémiques et participatives. Nous illustrons nos propos par des expériences de terrains qui apportent plus ou moins des éléments de contribution à notre manière de concevoir l’habitat écoresponsable intégré dans un espace de jonction.

MOTS CLÉS : habitat écoresponsable, communication engageante, laboratoire d’expérimentations, environnement urbain écologique, jonction.


Réhabilitation énergétique réussie : facteurs clés pour une bonne perception de ses occupants.

Annie DORANGE (RCP DESIGN GLOBAL)
Justine DUBOURG (RCP DESIGN GLOBAL)

L’agence RCP design global, dans le cadre de son activité de concepteur, accompagne l’approche anthropocentrée, au service des ingénieurs en charge de la définition des projets de réhabilitations énergétiques.
C’est dans ce contexte que l’agence est partenaire du projet TIPEE mené avec l’université de La Rochelle. Dans le cadre de ce projet collaboratif, l’agence a étudié la perception utilisateur en explorant un bâtiment réhabilité en 2007 qui est à la fois une réussite énergétique, mais aussi très bien vécu et approprié par ses occupants, grâce à des solutions techniques efficaces mais aussi un management du changement perspicace.
A travers l’étude de l’intégration de l’utilisateur dans le processus de conception jusqu’au retour d’expérience après 6 ans d’utilisation, les résultats de cette étude sont l’extraction de facteurs clés de succès de la bonne perception des réhabilitations énergétiques et des préconisations pour faciliter « la bonne utilisation des bâtiments réhabilités » par ses occupants.

MOTS CLÉS : perception, réhabilitation énergétique, occupant, préconisations, usage.


Etude exploratoire des imaginaires et usages dans un contexte de logement déconnecté des réseaux électriques.

Xavier GAUVIN ((Bouygues/Ideas Lab)

Dans le cadre de sa recherche, Bouygues Construction travaille sur l’idée de ‘bâtiments autonomes’, c’est-à-dire des constructions déconnectées des réseaux électriques et d’eau, sous le terme de projet ABC « Autonomous Buildding for Citizen ».
Plus concrètement, un Partenariat entre la Ville de Grenoble et Bouygues Construction a été signé le 22 Janvier 2014 pour le « Développement d’un Démonstrateur ABC à Grenoble » concernant un immeuble d’environ 70 logements locatifs.
Les nombreux retours d’expériences, dont ceux de la Zac de Bonne (écoquartier de Grenoble), ayant démontré la part importante du comportement des habitants dans les résultats en termes de performances environnementales, énergétiques et économiques, il est primordial d’étudier avec les possibles futurs habitants, les conséquences en termes d’usages dans la quotidienneté, des différents choix possibles du point de vue technique ou économique.
D’ores et déjà, des études sont réalisées pour mesurer l’acceptabilité de certaines technologies pour mieux concevoir les solutions à apporter aux futurs occupants et avec lesquelles ils pourront entrer en interaction.
En parallèle des ces travaux, il convient également de définir les règles de fonctionnement adaptées à ce contexte et acceptables par la communauté d’habitant (règlement intérieur, charte de vie habitante) ainsi que les modalités économiques (prêt à payer, contrat…).
EN 2013, une expérimentation simule dans 10 foyers grenoblois la déconnection du réseau électrique : la ressource énergétique est limitée à une production solaire par panneaux photovoltaïques et à son stockage en batterie ce qui oblige à ajuster les consommations électriques.
Objectifs :
- Explorer la gestion des consommations électriques dans l’habitat collectif en ressources limitées : Imaginaires et Pratiques
- Caractériser le dispositif innovant
Interface de gestion des ressources énergétiques
Ensemble de dispositifs ou services nécessaires
- Acceptabilité et attractivité.

MOTS CLÉS : Innovation centrée usages, logement, autonomie énergétique, pratiques, consommation d’énergie, acceptabilité, living-lab.


« Moi, je suis bricoleur ! » : cultures constructives des habitants face aux exigences énergétiques dans la réhabilitation du bâti en pisé. Étude de cas en Nord Isère.

Léa GENIS (École Nationale supérieure d’Architecture de Grenoble/CRAterre-ENSAG/Unité de recherche AE&CC)

L’anthropologie des espaces ruraux analyse fréquemment la maison vernaculaire au prisme des processus de patrimonialisation conduits par sa réhabilitation. Elle intègre cependant peu les approches émergentes en sociologie de l’énergie. Dans ce contexte, la communication vise à montrer comment les prescriptions de réhabilitation énergétique et les pratiques techniques des habitants s’articulent face aux enjeux particuliers du bâti ancien.
La recherche se base sur un terrain socio-anthropologique portant sur la réhabilitation énergétique du bâti en pisé en Nord Isère, en collaboration avec des structures de conseil et des collectivités territoriales. À travers l’analyse de visites commentées de maisons réhabilitées et de chantiers en cours, la communication décrit les « bricolages » mis en œuvre par les habitants dans la réhabilitation énergétique. Elle montre comment, appliqués au bâti ancien, ils s’intègrent dans un processus sociotechnique lié autant à l’énergie qu’à des questions constructives, de temporalité, d’habitabilité ou d’esthétique de l’habitat. Ils apparaissent alors comme un «savoir habitant» en constitution. L’analyse s’ouvre ensuite sur les ajustements des pratiques professionnelles des conseillers et des artisans dans leurs échanges avec les habitants. Ces ajustements les conduisent à se positionner alternativement comme médiateurs, spécialistes, conseillers ou formateurs face aux normes existantes ou implicites, qu’ils considèrent comme difficilement adaptables à la variété des structures et des matériaux du bâti ancien.
Les résultats de la recherche montrent finalement comment de nouvelles modalités de coopération entre habitants et professionnels émergent face à la question énergétique, et comment elles questionnent les dynamiques des savoirs liés à la réhabilitation de l’habitat vernaculaire.

MOTS CLÉS : savoirs locaux, réhabilitation énergétique, habitat vernaculaire, terre crue, auto-réhabilitation.


Méthodologies d’enquêtes en espace commercial : circulation des savoirs pour la construction de la maîtrise énergétique.

Ignacio REQUENA-RUIZ (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Céline DROZD (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Kévin MAHE (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Daniel SIRET (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)

Au regard de l’évolution des critères de confort et des nouvelles projections du chez-soi liées aux enjeux de l’énergie, les pratiques de construction directement menées par les habitants ne cessent de se développer. Comparées à la construction de logements performants et à la rénovation énergétique de l’habitat qui sont l’objet de nombreuses études et actions, ces expériences restent peu étudiées. Notre équipe conduit actuellement une recherche axée sur l’auto-réhabilitation en milieu rural , une pratique habitante qui convoque des activités provenant aussi bien de la sphère pragmatique de l’habitat (de l’entretien à l’auto-construction) que de la dimension personnelle de la construction du chez-soi (du bricolage à l’aménagement intérieur). Plus précisément, notre travail tend à mettre en évidence la place actuelle de l’énergie dans la fabrique de l’expertise des auto-réhabilitateurs.
La communication proposée présentera les résultats de cette recherche portant sur une analyse des stratégies des auto-réhabilitateurs pour aborder les enjeux énergétiques pour la construction du chez-soi. Un ensemble de 11 projets d’auto-réhabilitation à différents stades d’avancement a été étudié. La recherche révèle comment les auto-réhabilitateurs constituent de manière individuelle tout un réseau d’acteurs amateurs et professionnels pour l’échange de connaissances et de compétences, et quelles représentations ils se font de l’efficacité énergétique et du confort thermique dans leur habitat.
La méthode de recherche est basée sur l’analyse des récits des habitants durant les différentes étapes de fabrication de leur expertise et d’avancement du chantier. A partir d’entretiens semi-directifs, le discours se déclenche en trois temps : le récit par les souvenirs, le parcours commenté dans la maison et le récit détaillé en prenant appui sur des documents personnels (photos, factures, croquis, plans,…). De plus, il a été mis en avant que plusieurs phases sont abordées : la gestation du projet et les choix initiaux, l’apprentissage de la technique et les enjeux de la mise-en-œuvre, la maîtrise de l’énergie dans la maison, l’entretien de la maison et le renouvellement des systèmes.

MOTS CLÉS : auto-réhabilitation ; expertise en énergie ; pratiques habitantes ; maîtrise de l’énergie.


Optimisation des Usages Energétiques et Sociaux d’un îlot Tertiaire à l’horizon 2020.

Thomas ROILLET (Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers de Lille/L2EP)
Hervé BARRY (Université Catholique de Lille/CRESGE)

Le projet en cours s’intéresse à la gestion de l’énergie thermique du Campus Pasteur (îlot de 50000 m² de bureaux et laboratoires pour 1000 personnes) en intégrant des machines de cogénération ou tri-génération couplées aux stockages de chaleur et de froid. L’objectif est de développer un superviseur de centrale multi-source basée sur des techniques de contrôle prédictif, avec l’originalité d’intégrer le paramètre des usages (connus par des réunions de service et une enquête par questionnaire) dans la gestion de ces dispositifs innovants. Actuellement les questions d’énergie ne concernent que les responsables d’entité vers lesquels sont orientées les factures sur la base d’une clef de répartition unique (surface, effectif, etc.). Les « consommateurs » individuels d’énergie ne sont la cible d’aucune démarche d’information ou de sensibilisation. L’enjeu de la recherche-action est donc d’élargir les objectifs des divers interlocuteurs du Campus (Cf. modification des rationalités d’usage) pour qu’ils rencontrent ceux des acteurs de la supervision, et que l’ensemble contribue à de meilleurs résultats (sécurisation de la production, réduction des coûts au sens large, etc.).

MOTS CLÉS : énergies, économies, usages, impact GES, ilot tertiaire


La maitrise d’usage au cœur des processus de transitions énergétiques. Maîtrise d’usage, culture des énergies, démarches collaboratives.

Michel TEULE (CERFISE)

Habitat locatif ou en propriété, locaux d’activités et de bureaux sont des espaces qui ne sont pas appropriés de façon semblable, mais les pratiques acquises ou favorisée en matière de consommation énergétique dans les uns peuvent avoir un impact sur celles que chacun développera dans les autres. Cependant, le comportement des usagers n’est pas influencé que par les locaux dans lesquels il vit ou travaille, il ne peut être influencé non plus que par des aspects techniques, des équipements mis à disposition ou une forme architecturale. Encore faut-il que ceux-ci puissent entrer en résonance avec des comportements qui ont bien souvent besoin d’être bousculés, mais qui ne peuvent être forcés pour pouvoir évoluer vers plus de «vertu» au regard des enjeux de préservation des ressources. Ceci sans oublier la diversité des modes d’habiter, des comportements culturels où des caractéristiques socio-économique des individus.
Depuis la fin des années 1990, de grands progrès techniques et architecturaux ont été apportés pour favoriser la construction neuve et la réhabilitation du bâti vers une plus grande maîtrise des dépenses énergétiques. Or, s’il y a bien un oublié de ces grandes avancées imposées par ce que l’on peut appeler dorénavant une nécessaire révolution énergétique, c’est de l’usager qu’il s’agit.
Oublié, l’usager en tant qu’acteur et concepteur de ses espaces de vie et réduit trop souvent à une cible de produits nouveaux qui, parce qu’ils seraient plus performants, moins polluants devraient être adoptés naturellement sans discernement des diversités sociales, économiques et culturelles.
Quant à la vie dans les nouveaux bâtiments HQE ou BBC, il semble que leurs performances d’usage ne sont pas toujours à la hauteur des espérances.
Dès lors il convient d’interroger la pertinence de conceptions qui donnent la primauté à la technique. Pour ce faire, il est indispensable d’interroger l’usager sur sa pratique, mais bien plus de l’associer à la conception même des lieux dont il use ou usera, non pas en tant que simple consommateur, mais entant que « maître d’usage ».
L’introduction de la « maîtrise d’usage » traduit le fait que les utilisateurs existants ou futurs d’un bâtiment occupent une position au cœur du processus d’élaboration et de suivi du projet aux côtés du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre. Tout en gardant à l’esprit que maitrise d’ouvrage et maitrise d’usage se confondent parfois.
C’est un changement de culture de l’acte de bâtir qui est ainsi proposé, un changement de culture indispensable pour que les modes de vie avec les bâtiments puissent évoluer.
L’association de la « maîtrise d’usage » ne doit pas être limitée à un objectif d’appropriation des innovations. L’association de la « maîtrise d’usage » c’est d’abord une autre façon de concevoir et réaliser des bâtiments tout en acceptant de mettre en débat la technique et d’accompagner les changements cognitifs nécessaires, chez les habitants et chez l’ensemble des acteurs et partenaire du projet.
Nous aborderons cette problématique à travers des cas d’association de ces trois acteurs principaux dans le processus d’élaboration de bâtiments économes en énergies notamment : la réalisation du siège du Grand Site Sainte-Victoire dans les Bouches-du-Rhône à laquelle son personnel a été étroitement associé et le projet Mascobado à Montpellier dans lequel deux groupes de citoyens animés de valeurs communes de solidarité, convivialité et respect de l’environnement promeuvent un projet d’habitat participatif.

MOTS CLÉS :


Les pollutions induites par la transition énergétique : le cas des isolants thermiques.

Dominique THEILE (chercheur conseil indépendant)

Suite à l’appel de l’Abbé Pierre en 1954, la France connut près de deux décennies d’efforts de construction sans précédent. Les façons de construire et de concevoir de cette époque sont aujourd’hui décriées allant même jusqu’à démolir (grands ensembles). De même, le remplacement de fenêtres, qui est le plus gros succès des injonctions croisées de l’Ademe, du Trésor Public, et des stratégies commerciales des fabricants et poseurs de fenêtres génère des effets pervers : condensations entraînant des dégâts sur le bâti, de l’inconfort (hygrothermique, visuel, olfactif…) et des impacts sur la santé (allergies, asthme…) dont l’ampleur reste encore à établir.
Le propos de ce film est donc d’anticiper sur certains risques de la transition énergétique, et donc sur les critiques de demain sur les choix effectués aujourd’hui. L’hypothèse est que les isolants thermiques génèrent des pollutions particulaires lors de leur fabrication, leur pose, leur vie dans l’enveloppe des bâtiments, leur dépose en fin de vie, leur mise en déchetterie et leur recyclage. Cette libération de particules n’est pas traitée, car furtive. Or le renforcement des exigences réglementaires concernant la construction et la rénovation des bâtiments se traduit par non seulement par un sensible épaississement des épaisseurs d’isolants thermiques mais aussi par un changement de culture technique : substitution de l’isolation thermique par l’extérieur à l’isolation thermique par l’intérieur. Les probabilités d‘une sensible aggravation de cette pollution furtive paraissent donc élevées.
Pour vérifier cette hypothèse il faut d’abord vérifier l’existence de cette pollution, avant de s’intéresser à ses éventuels impacts et aux manières d’éviter cette pollution. Ce film présente donc les premiers résultats de cette vérification : la preuve photographique de la libération de particules sur une dizaine de chantiers. Bien que tous situés en Ile de France, ces chantiers peuvent être considérés comme reflétant non pas des exceptions mais bien une règle, confirmée un détour par l’Allemagne.
Ce faisant, ce film explore une forme de décalage entre les pratiques des chantiers et les pratiques d’usines. Est-il nécessaire de résorber ces décalages ? Au-delà de la question de la quantification des impacts, se pose celle de la dynamique des définitions des priorités dans les injonctions au changement.

MOTS CLÉS : organisation du travail, isolation thermique, environnement, santé, priorités dans le changement.