LES ENJEUX DE LA COOPÉRATION ENTRE DISCIPLINES (ATELIER)

AXE MÉTHODOLOGIE, PROSPECTIVE, RÉFLEXIVITÉ

L’approche socio-énergétique.

Tristan MAARAWI (Cabinet d’études n-clique)
Valentin RIBOULE (Cabinet d’études n-clique)
Pascal YERRO (cabinet d’études AlterEne faisant partie d’Alter-Bâtir)

L’approche socio-énergétique est rendue possible grâce à l’association complémentaire entre sociologues de terrain et ingénieurs énergéticiens. Elle consiste à croiser le diagnostic énergétique technique d’un bâtiment avec le regard de ses utilisateurs réguliers et l’usage qu’ils en font. Elle résulte d’une conviction : la recherche de réduction des consommations d’eau, d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, consiste à ne jamais dissocier l’efficacité des équipements de leur mode d’utilisation.
Notre équipe combine une expertise pluridisciplinaire autour de trois grands domaines :
- Le diagnostic d’usages : étude des comportements et pratiques individuelles ou collectives dans le bâtiment à partir de méthodes d’enquêtes sociologiques menées conjointement avec les ingénieurs énergéticiens
- Le diagnostic technique : étude technique des consommations énergétiques et dysfonctionnements par les ingénieurs en rapport continu avec les sociologues
- Les ateliers d’accompagnement : sensibilisation aux comportements favorisant les économies d’énergie et d’eau et « éco-gestes ».
La démarche socio-énergétique n’est donc pas une superposition d’analyses thermique, énergétique et sociologique mais bien une approche commune.
Notre communication se focalise sur l’intervention des sociologues dans le cadre de cette approche socio-énergétique appliquée à un cas concret (méthodes employées et résultats obtenus, mise en commun des compétences, pistes de développement).
Dans le cadre de notre intervention, nous utilisons des méthodes d’enquêtes de terrain qualitatives afin d’observer et de recenser les comportements et les ressentis face à l’utilisation d’eau et d’énergie dans le bâtiment. Ainsi des entretiens sont menés avec les usagers réguliers du bâtiment afin d’obtenir un retour sur leur perception des dysfonctionnements, de leur confort et de leur rapport à leurs consommations énergétiques. De plus, des sessions d’observations fixes et en mouvement sont réalisées dans les espaces du bâtiment afin de relever des informations sur les modes d’utilisation des zones observées. L’objectif est de fournir des données précises sur d’éventuels dysfonctionnements et sur les types de consommations énergétiques dans le bâtiment. Ces informations permettent de comprendre certains dysfonctionnements et d’adapter ensuite au mieux l’intervention d’accompagnement et d’appropriation des « éco-gestes ». Il reste néanmoins important d’envisager les limites de notre approche qui se déroule dans des temporalités particulières et permettre le développement de pistes de réflexions.

MOTS CLÉS : méthodes, approche pluridisciplinaire, éco-gestes, bâtiments basse consommation, diagnostic


Quand la question énergétique bouleverse les modes de faires scientifiques : L’« interdisciplinarité radicale » entre SHS et SI.

Géraldine MOLINA (IRSTV/CERMA)
Anne BERNABÉ (IRSTV/LEEHA)
Marjorie MUSY (CERMA/IRSTV)

Le plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) prévoit de rénover 500 000 logements par an d’ici 2017. Nombre de rénovations consistent à la seule pose d’une isolation thermique par l’extérieur afin de limiter la précarité énergétique en hiver. En milieu méditerranéen, se pose alors la question du confort d’été. En effet, la chaleur accumulée au cours de la journée peut être difficile à évacuer si l’occupant n’agit pas sur son environnement direct. Couplé avec des épisodes caniculaires cela peut devenir fatal pour les personnes fragiles.
L’objectif de notre étude est d’analyser l’évolution thermique d’appartements occupés et d’établir un modèle de comportement prédictif de l’occupant afin de quantifier l’impact des modifications architecturales et comportementales sur le confort thermique et les performances énergétiques des bâtiments. L’objet d’étude est un ensemble de deux résidences situées sur la commune de Vauvert (Gard). De caractéristiques constructives identiques et suite à des rénovations similaires (VMC, Chaudières, Fenêtres), l’une d’entre elles a depuis été isolée thermiquement par l’extérieur. L’analyse des conditions thermiques réelles, du comportement individuel de l’occupant et des consommations d’énergie est basée sur des enquêtes et une instrumentation in-situ dans les séjours de 13 appartements. Elle permet de modéliser plus finement les paramètres nécessaires pour les simulations de thermique dynamique. Ces dernières aident à la compréhension de l’impact d’une réhabilitation énergétique sur le confort et les consommations énergétiques des bâtiments en milieu méditerranéen.
En hiver, l’analyse des mesures confirme l’intérêt d’isoler les bâtiments par l’extérieur pour améliorer le confort tout en diminuant les consommations énergétiques. En été, cette tendance n’est pas confirmée. Le comportement de l’individu a ainsi un rôle primordial afin de se protéger de l’inconfort d’été. L’objectif est donc de proposer des modifications architecturales et/ou comportementales afin d’améliorer le confort tout en diminuer les consommations énergétiques dans l’habitat social méditerranéen à réhabiliter.

MOTS CLÉS : confort thermique, réhabilitation, performance énergétique, habitat social, comportement individuel.


Une approche sociogéographique pour appréhender le lien entre les pratiques urbaines et les pratiques énergétiques.

Léa THONAT (GDF SUEZ/CRIGEN)

Ces dernières années, les diverses recherches menées sur les pratiques énergétiques au sein de logements ont fait apparaître plusieurs figures de consommateurs dépendantes de l’âge, du niveau de vie, du type de logement, etc. Un enseignement majeur : la recherche du confort associé à un souci d’optimisation des dépenses explique grandement les pratiques. Au-delà de ces critères, les sociologues du CRIGEN ont cherché à vérifier l’interaction entre les pratiques urbaines, les perceptions de l’environnement direct du bâtiment sur le niveau d’investissement de son logement ainsi que sur ses pratiques énergétiques.
La communication proposée a pour objet de démontrer la pertinence d’une analyse sociogéographique pour affiner la compréhension des pratiques énergétiques au sein du logement. Nous entendons par approche sociogéographique l’adaptation de la méthode des Sociotopes développée par Alexander Stähle en 2002. Cette dernière constitue un outil de visualisation et de traduction cartographique des perceptions et des représentations des usagers des espaces urbains considérés (parc, rues, équipements extérieurs…). Initialement conçue à Stockholm, cette méthode consiste à identifier et à analyser la valeur sociale et/ou culturelle des différents espaces au travers d’enquêtes qualitatives réalisées auprès des habitants. Cette communication a pour ambition de démontrer comment mieux comprendre les pratiques au cœur du logement. Autrement dit, nous montrerons en quoi cette approche sociogéographique permet d’interroger les liens entre pratiques urbaines et pratiques énergétiques.
Dans un premier temps, nous présenterons cette méthodologie, au travers d’un cas d’application dans le cadre d’un consortium créé autour de la Cité Jardin de Gerland (Lyon). Après l’évaluation de cette analyse sociogéographique, ses points forts et ses marges d’amélioration, nous évoquerons quelques exemples significatifs pour appréhender les liens entre pratiques urbaines et énergétiques.

MOTS CLÉS : approche sociogéographique, pratiques urbaines, pratiques énergétiques, résidents, usagers.


La place de la sociologie dans un projet interdisciplinaire de smart grid

Grégoire WALLENBORN (Université Libre de Bruxelles/ Centre d’Etudes du Développement Durable)
Georgia GAYE (Université Libre de Bruxelles/ Centre d’Etudes du Développement Durable)

Nous avons participé en tant que sociologues dans un projet belge de recherche sur la flexibilité des utilisateurs dans un smart grid en Belgique. Nous nous proposons de réfléchir à la place de la sociologie dans ce consortium dominé par des ingénieurs, des économistes et des entreprises. Nous souhaitons comprendre comment les idées et les données circulent entre différentes disciplines aux présupposés épistémiques hétérogènes et comment nous pouvons rendre justice aux observations recueillies lors de notre terrain. Ce terrain est double. D’une part, nous avons développé un cadre théorique basé sur la théorie des pratiques, la sociologie des usages et une approche STS, et interviewé à deux reprises 29 usagers de pompes à chaleur. D’autre part, nous avons observé et interviewé nos partenaires de recherche afin de comprendre comment ils ont perçu notre contribution au projet commun.
Nous analysons d’abord la manière dont certains concepts (acceptabilité, résistance, engagement, appropriation, délégation, confort, flexibilité) sont utilisés dans les différentes disciplines (économie, technologie, sociologie). Nous montrons quelles hypothèses explicites et implicites à propos des capacités des usagers fondent les différentes ontologies disciplinaires. Dans les modèles économiques et technologiques, la complexité des usages est réduite à quelques paramètres manipulables — alors que le rôle des usagers dans le développement des smart grids est unanimement reconnu. Nous observons que les considérations environnementales et collectives sont absentes de la conception actuelle des smart grids parce qu’elle ne font pas partie de l’ontologie de l’ingénieur ou de l’économiste.
Afin d’analyser la manière dont les données sont traduites et articulées entre les disciplines, nous utilisons les concepts d’« obligation et exigence » (Stengers 1996) et de « objet frontière » (Star & Griesemer 1989). Ainsi, la sociologie exige que nous transmettions fidèlement les observations de notre terrain. Mais notre obligation est de fournir aux partenaires une information qu’ils peuvent utiliser. Dès lors, la construction de « profils » d’usagers ou de « personas » est une manière d’instaurer des objets frontières entre différentes pratiques disciplinaires. Cela implique cependant de réduire nos observations à des entités manipulables. Nous concluons par quelques réflexions sur les façons d’ouvrir des espaces interdisciplinaires centrés sur des dispositifs sociotechniques qui comprendraient une véritable dimension participative de la part des usagers.

MOTS CLÉS : smart grid, usager, théorie des pratiques, STS, interdisciplinarité.