TERRITOIRE ET ÉNERGIE : DES « GAGNANTS » ET DES « PERDANTS »? (Atelier)

AXE ÉNERGIE, POLITIQUES PUBLIQUES ET TERRITOIRE

Biocarburant au nord, famine au sud : un paradoxe de la transition énergétique ?

Sofiane BOUHDIBA (Université de Tunis).

Pour faire face à la crise, les pays les plus riches se sont résolument engagés dans une transition énergétique, en consommant du biocarburant, fabriqué à partir d’huiles végétales. L’initiative est louable, puisqu’elle permet de produire du carburant à faible coût. Elle permet également de poursuivre le processus de développement tout en préservant celui des générations futures, ce qui est le principe même du développement durable. Toutefois, l’utilisation massive de céréales dans certains pays du Nord a fini par déstabiliser les cours sur les marchés internationaux, causant des pénuries et la famine dans les populations les plus pauvres, et en particulier en Afrique.
Comment la production de biocarburant a-t-elle entraîné des émeutes de la faim à Dakar ? Les Etats-Unis peuvent-ils poursuivre leur course au carburant-soja sans mettre en danger la paix sociale dans les sociétés africaines les plus vulnérables ? Comment peut-on concilier les fonctions nutritive et énergétique des céréales ? Telles sont les questions auxquelles je me propose de trouver quelques éléments de réponse au cours de ma communication.
Ma réflexion se fera en trois étapes. Je commencerai par montrer comment la production de biocarburant, étape majeure de la transition énergétique, est effectivement une solution idéale pour contrer les effets de la crise. J’essaierai ensuite de montrer dans quelle mesure la course aux biocarburants a aggravé la malnutrition et la famine en Afrique. Enfin, la dernière partie de l’article se fera en termes de perspectives, et tentera de proposer quelques recommandations réalistes en vue de poursuivre la transition énergétique et la production de biocarburant sans bouleverser l’équilibre alimentaire en Afrique.

MOTS CLÉS : transition, énergie, biocarburant, Nord, Sud.


Transition énergétique en Algérie, Mythe ou réalité ?

Amina DERRADJI (École Nationale Supérieure des Sciences Politiques /Politiques Publiques, Alger).

L’énergie est le moteur de toute activité humaine, elle est un besoin élémentaire de vie, de civilisation et indispensable au développement des pays.
L’Algérie est une grande surface et une position géographique spécifique, elle possède une variété de ressource énergétique renouvelable et non renouvelable. Depuis l’indépendance, le pays s’est orienté vers l’exploitation des énergies fossiles afin d’assurer son approvisionnement énergétique, mais également pour financer les différents projets de développement. Cette orientation politique a donné lieu à une dépendance économique de plus de 90% aux ressources pétrolière et gazière.
L’exploitation de ces sources épuisables et polluantes impose la recherche d’autres sources durables qui préservent l’environnement. A cet égard, les énergies renouvelables s’imposent comme alternative idéale dans un cadre de développement durable pour l’Algérie qui dispose d’un potentiel important en la matière.
Dans ce cadre, l’Algérie a lancé, en 2009, un programme ambitieux pour l’exploitation de l’énergie solaire afin de substituer le pétrole et le gaz.
Cette transition de la politique énergétique pourrait-elle substituer les besoins énergétiques de la population et assurer le financement de l’économie algérienne comme c’était le cas après l’indépendance (pour la politique précédente) ? Quelle sont les défis que confrontent cette nouvelle orientation ?

MOTS CLÉS : Algérie, Énergie fossile, Énergie solaire, politique énergétique, Transition énergétique.


La transition énergétique et sociotechnique : l’exemple des bio-raffineries comme mythologie positiviste.

Julie GOBERT (UTT/CREIDD).
Sabrina BRULLOT (UTT/CREIDD).

L’une des suppositions qui commence à prévaloir dans les politiques publiques locales et nationales se base sur la constatation que la technique et l’ingénierie ne sont pas les seuls ressorts de la transition énergétique (Labussière, 2012 ; Rumpala, 2012) et n’en constituent pas les freins principaux. De nouveaux enjeux organisationnels, de nouvelles configurations de réflexion, d’expérimentation et d’action entre acteurs se mettent en place, en même temps que certaines parties prenantes émergent de plus en plus. Assiste-t-on pour autant à l’émergence de nouveaux collectifs, de nouvelles formes de gouvernance ou constate-t-on seulement une ré-appropriation d’un enjeu sociétal par ceux qui détiennent les clés de décision et d’action sur les territoires ?
Suite à un travail mené dans le cadre de l’Institut de la transition énergétique PIVERT d’une part, des conclusions ayant émergé du projet FASE (financé par la région Champagne-Ardenne), nous souhaitons illustrer notre réflexion au travers du système socio-technique « bioraffinerie ». Cette focalisation nous permet de ré-interroger le mythe d’une évolution industrielle et d’une adaptation des territoires et des acteurs sans heurts. A notre sens, bien que les attentes de certains industriels et des collectivités publiques se traduisent en orientations prospectives dominantes (Borup et al. 2006, Levidow et al. 2014), nous assistons à des changements incrémentaux sur différentes arènes, qui obligent à ré-intégrer l’incertitude dans certains raisonnements téléologiques sur la technique (Gras, 2007). Dans le même temps nous sommes amenés à reconsidérer le présupposé d’une reconfiguration profonde des systèmes sociotechniques d’approvisionnement, de production, de distribution (Coutard, 2012), dans la mesure où la stratégie de groupes dominants est de préserver leur capital acquis, en refusant de questionner les choix qui sont effectués ou seulement à la marge.
Il est ainsi intéressant de constater que l’amont agricole ou sylvicole est pris en compte de manière restrictive, que les changements d’usage du sol, de paysage, de services éco-systémiques sont peu caractérisés (Gobert, Brullot, 2013). L’objectif premier est d’obtenir une biomasse de qualité et peu chère, de sécuriser l’approvisionnement au regard de la variabilité des prix et non de structurer des filières locales ou de tisser des liens particuliers.
En outre, les choix visant à développer la transformation de la biomasse via des bioraffineries sont souvent réalisés par des tours de table réduits, même si une superposition des échelles de décision et d’intervention (échelle européenne, nationale, régionale) laisse à deviner une certaine complexité à la fois dans la structuration des « communautés épistémiques » (Haas, 1992:3) promouvant la bioraffinerie et des « communautés de pratique » (Wenger, 1998) (clusters fonctionnant autour de la valorisation des agroressources). Ce qui illustre la capacité de certains territoires et acteurs non dominants à disposer d’une réelle marge de manœuvre et d’expérimentation.

MOTS CLÉS : bioaffinerie, communautés de pratiques, territoires, transition énergétique.


Hydroélectricité et continuité écologique : analyse croisée des conflits et représentations liées à l’environnement et à l’énergie.

Jacques-Aristide PERRIN (Université de Limoges/Géolab).

Des conflits tantôt conceptuels (Loupsans, 2011 ; Bouleau et Pont, 2014) tantôt pratiques (Barreau et Germaine, 2013) naissent à la fois au sein du monde scientifique et des territoires générés par une inadéquation entre les objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau (2000) et certains éléments liés au Paquet Climat Energie (2008). Pour donner corps à notre démonstration au cours de la communication, nous prendrons l’exemple caractéristique de la continuité écologique constituée de deux éléments principaux à savoir la liberté de circulation des espèces animales et le bon déroulement du transport des sédiments.
En effet cette notion centrale des projets de restauration des cours d’eau (Morandi et Piégay, 2014), en plus d’être à l’origine de controverses relatives à sa validité dans le champ scientifique et aux critères pour l’évaluer, pose des problèmes aux petits producteurs d’hydroélectricité ainsi qu’aux grandes compagnies à qui sont concédées la gestion des barrages français (Catalon, Projet ESAWADI, 2013). Il s’agit d’analyser cette conflictualité au regard, non pas de la simple conciliation entre respect de l’environnement et production d’électricité, mais bien d’un processus socio-énergétique plus global dont découlent des représentations multiples interactionnelles concernant l’environnement et l’énergie à la source d’un imaginaire socio-énergétique du territoire (Raineau, 2008). Une place importante sera accordée aux acteurs du territoire (EPTB, producteurs hydroélectriques, société civile…) pour comprendre comment les pratiques de chacun modifient les projets initiaux de la politique publique originelle (Fouilleux, 2000) et identifier les conditions de la mise en place d’une éthique d’appartenance au territoire, cadre d’une transition énergétique donnant sa chance au consensus.

MOTS CLÉS : hydroélectricité, DCE, conflictualité, éthique d’appartenance au territoire, principe de subsidiarité.


Les conduites socio-économiques des populations face à la crise de l’énergie électrique à Douala au Cameroun.

Robert TEFE TAGNE (Université de Douala-Cameroun/Laboratoire de sociologie et de Gestion des Ressources Humaines)
Jacques YOMB (Université de Douala-Cameroun/Laboratoire de sociologie et de Gestion des Ressources Humaines)

L’accès à l’énergie électrique est un problème majeur au Cameroun et dans la ville de Douala en particulier. L’objectif majeur de cette recherche est de rendre compte des conduites socio économiques des ménages urbains face à la crise de l’énergie électrique en milieu urbain camerounais. La question centrale de la problématique est la suivante : En dépit du grand potentiel énergétique du Cameroun pour quelles raisons les ménages urbains font-ils face à une crise de l’énergie électrique au point de développer des stratégies parallèles d’approvisionnent parfois non sécurisées ? Le cadre théorique qui est mobilisé dans ce travail accorde une place de choix à l’individualisme méthodologique et au constructivisme social. La méthodologie repose sur une approche qualitative qui valorise l’ethnographie de terrain. Dans une perspective compréhensive, elle traite à partir de l’analyse de contenu, des données à dominance qualitatives collectées à travers des sources documentaires et des entretiens semi-directifs réalisés auprès des ménages et l’entreprise en charge de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun. Les résultats montrent que : a) la crise de l’énergie électrique découle d’une mauvaise exploitation du potentiel énergétique du pays et les mauvais choix politiques liés à la gestion de l’entreprise en charge de la distribution. b) plus les délestages persistent, plus les acteurs développent des stratégies pour accéder à l’énergie. c) certaines stratégies sont illicites portant en particulier sur les branchements frauduleux alors que d’autres s’inscrivent dans l’innovation par l’adoption de nouvelles sources d’énergie alternatives comme le solaire.

MOTS CLÉS : Conduites socioéconomiques- Ménages urbains- Crise d’énergie électrique- Mode d’approvisionnement alternatifs, Douala-Cameroun.